5629. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A FONTAINEBLEAU.

Potsdam, 14 octobre 1752.

Je ne puis qu'accuser votre rapport du 2 de ce mois, pour le peu de nouvelles intéressantes qu'il m'a apportées. Comme les dépêches que je vous ai envoyées par un courrier qui est parti d'ici il y a cinq jours,238-1 renferment tout ce que j'ai eu à vous marquer d'intéressant, je m'y réfère et ne vous fais cette lettre que pour vous informer des nouvelles qui me sont arrivées, après le départ du courrier, de Vienne d'un très bon canal relativement aux affaires de Turquie.

Elles m'apprennent qu'à la vérité les dernières lettres de Constantinople du 2 de septembre avaient apporté que tout y était tranquillisé, mais qu'il s'en fallait beaucoup que la cour de Vienne fût sortie pour cela de ses inquiétudes, vu que son ministre à la Porte, le sieur Penckler, avait marqué par la même poste qu'il y avait à la vérité une grande apparence pour la conservation de la tranquillité au dehors, mais qu'il doutait que cela se soutînt; qu'on s'était bien trompé sur le caractère du nouveau Grand-Visir,238-2 qui jouait même le Sultan, au point qu'il le flattait être porté pour Osman, fils naturel du Sultan, prince faible que les deux cours impériales auraient fort souhaité de voir parvenir à la succession du Sultan régnant; mais que ce Visir artificieux et entreprenant se conduisait adroitement; que bien qu'il paraissait au dehors de ménager le Sultan et le prince Osman, cependant il y avait à compter sûrement que dans le fond il était attaché à Soliman,238-3 et qu'on ne devait du tout se tranquilliser sur lui, mais qu'on devait s'attendre à une grande révolution. Que ce Visir<239> parlait d'assembler un grand Divan où soixante bachas seraient assemblés, et que lui, Penckler, n'était pas sans crainte que ce ne fût alors une époque fatale.

Voilà de quelle façon le baron de Bartenstein s'est expliqué à un de ses amis intimes, en ajoutant que sa cour n'en serait pas si fort inquiète, si l'on n'avait trouvé les grands trésors du Kislar-Aga, ce qui pourrait aisément mener à des suites fâcheuses, les affaires étant entre les mains d'un homme aussi dangereux et double que le Visir, dont on avait eu tout une autre idée.

L'on m'ajoute, au reste, que l'ambassadeur de Venise voyait le comte d'Ulfeld beaucoup plus qu'il n'avait jamais fait et même assez longtemps hors les jours ordinaires d'audience, et que le ministre de Russie, comte Keyserlingk, était régulièrement en conférence avec le susdit ministre.

Quoique je ne vous marque tout ceci que pour votre direction seule, mon intention est cependant que vous devez informer M. de Contest de tout ce détail.

Je viens de recevoir par le sieur d'Allichamp les deux livres qu'il m'a remis, avec le discours sur les dettes anglaises, que j'ai trouvé surtout bien intéressant et instructif pour moi et dont je vous [sais] un gré particulier de la communication que vous m'en avez faite.

Federic.

Nach dem Concept.



238-1 Vergl. S. 236.

238-2 Said. Vergl. S. 196.

238-3 Vergl. S. 196. 206.