5773. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A VIENNE.

Potsdam, 16 février 1753.

J'ai bien voulu profiter de l'occasion du départ du conseiller privé de Fürst, qui va à sa destination à Vienne,341-1 pour vous envoyer deux nouveaux chiffres, dont l'un vous servira pour les dépêches que vous me ferez séparément de celles que vous envoyez au département des affaires étrangères, et l'autre pour vos dépêches ordinaires.

Soli et secret. Comme je vous ai déjà instruit par ma dépêche du 20 du janvier dernier341-2 sur les différentes anecdotes qui [me sont] parvenues de très bon lieu touchant les affaires que la cour de Dresde a fait négocier depuis le mois d'octobre de l'année passée jusqu'à présent par son ministre à Pétersbourg, le sieur Funcke, je n'ai pas voulu vous laisser ignorer celles qui me sont parvenues du depuis d'un très bon canal, savoir que c'était toujours l'objet principal, et qui tenait le plus à cœur à la cour de Dresde, que les prétentions que je formais en conséquence de l'article 11 du traité de Dresde par rapport à la prérogative qui y était stipulée en faveur de mes sujets créanciers de la Steuer saxonne, prétentions que la cour de Dresde traitait de mal fondées et à l'occasion desquelles elle exigeait de celle de Pétersbourg de vouloir employer, conjointement avec les cours de Vienne et de Londres,341-3 sa médiation en conformité des engagements qu'il y avait entre les deux cours, et que celle de Pétersbourg s'engageât à quoi l'alliance l'obligeait, en cas que j'entreprendrais effectivement quelque chose contre la Saxe. L'on me marque que le sieur Funcke avait fait les représentations les plus fortes et les plus pressantes là-dessus au ministère russe, pour que celui-ci réfléchisse sérieusement sur ceci et qu'on prévienne les faits auxquels la Saxe devait s'attendre de ma part, et [que], toute correspondance étant interrompue pour le présent entre la cour de Pétersbourg et la mienne, celle-là devait ordonner à tous ses ministres dans l'étranger de déclarer à mes ministres accrédités aus cours étrangères, et principalement au sieur Gross,341-4 qu'ils déclarent à moi expressément que l'impératrice de Russie ne regarderait jamais d'un œil indifférent de pareilles voies de<342> fait, au cas qui je voulusse les entreprendre, mais qu'elle prêterait plutôt l'assistance la plus forte à la Saxe, ce qu'on avait aussi exigé des cours de Vienne et de Londres.342-1

Le sieur Funcke a confié à un de ses intimes que le chancelier Bestushew l'avait assuré que sa souveraine ne manquerait pas de se déclarer aussi favorablement à cet objet que l'avaient fait les cours de Vienne et de Londres, lesquelles, à son dire, avaient promis de s'intéresser vivement dans cette affaire, mais ledit sieur Funcke s'est plaint amèrement du depuis à son ami de l'indolence de l'impératrice de Russie, qui, donnant depuis quelque temps plus que jamais dans les plaisirs, marquait beaucoup d'éloignement pour toute affaire sérieuse, de sorte que le chancelier Bestushew n'avait pu trouver encore le moment de lui en faire son rapport, et que ceci était l'unique raison du retardement de la déclaration, qui d'ailleurs se ferait sûrement en conformité de ce que la cour de Dresde demandait.

L'on m'ajoute que le ministère russe, en attendant que le rapport en fût fait, avait envoyé au sieur de Gross une information sur ce que dessus, dont le précis était que, quelque sensibles que puissent être à la cour de Dresde les menaces qu'on m'attribuait, l'impératrice de Russie ne pouvait pas s'imaginer que je dusse me porter pour un objet aussi mince que les prétentions de mes sujets à des démarches violentes qui coûteraient beaucoup, et dont il était impossible de prévoir les suites; qu'en tout cas l'Impératrice remplirait ses engagements, qu'elle serait portée à faire parler sur cette matière ses ministres dans le sens que la cour de Dresde le demandait, pourvu que préalablement elle s'engageât à faire faire la même démarche aux cours de Vienne et de Londres et que ce qui serait convenu entre elles soit communiqué d'avance à l'Impératrice, afin que toutes les trois cours puissent en même temps faire tenir un langage semblable à leurs ministres.

L'on m'apprend que l'Impératrice a donné à la suite une résolution conforme à la susdite déclaration, que le comte Woronzow avait touché en même temps l'accession de la Saxe au traité de Pétersbourg, et que le général Pretlack, auquel, aussi bien qu'au sieur Guy Dickens, le sieur Funcke avait parlé de ces insinuations, avait répondu qu'il était encore incertain s'il subsistait effectivement des engagements entre la cour de Dresde et celle de Vienne.

L'on finit que le sieur Funcke, très mécontent de ces modifications et objections, tout comme de la façon de penser peu favorable du général Pretlack, s'en était plaint amèrement, se flattant cependant que les idées, très peu favorables à la Saxe, dudit général ne seraient point adoptées à Vienne, quoiqu'il craignît qu'on n'y traitât l'affaire en question avec la lenteur ordinaire.

Le sieur Funcke a confié d'ailleurs à son intime que sa cour pré<343>tait actuellement une attention particulière à l'accession au traité de Pétersbourg, et qu'en conséquence d'un avis que le comte Brühl lui avait donné, elle serait peut-être faite dans peu. Qu'au surplus ledit comte Brühl l'avait instruit que le roi d'Angleterre avait marqué au comte Rex à Hanovre combien il était satisfait des sentiments entièrement favorables de la cour de Dresde aux désirs de celle de Vienne sur l'article de l'élection d'un roi des Romains, et que Sa Majesté Britannique avait promis qu'elle emploierait non-seulement tout son crédit auprès de la cour de Vienne pour en obtenir une convenance désirée à la Saxe, mais qu'outre cela elle se donnerait toutes les peines imaginables pour arranger le mariage proposé entre les deux cours,343-1 qui rendrait principalement leurs intérêts en Pologne les mêmes, et qu'on travaillerait alors de concert pour avancer les desseins communs et que le ministre anglais à la cour de Vienne recevrait des instructions suffisantes pour cet objet.

Voilà des anecdotes intéressantes, sur l'authenticité desquelles vous saurez fermement compter et qui doivent vous conduire à faire plus de découvertes encore sur ces objets importants : en attendant, je vous demande le secret le plus absolu de cette communication.

J'ai encore à vous dire qu'il m'est revenu depuis peu que vers la fin du mois de novembre ou au mois de décembre de l'année passée, il doit être arrivé secrètement à Vienne un homme dont le nom est Berkenmeyer, natif du pays de Mecklembourg, où il a autrefois été en service du Duc régnant, mais qui vit à présent d'industrie. Ce malhonnête homme doit, à ce que j'apprends, s'être offert auprès les intimes de la cour de Vienne de vouloir découvrir contre une reconnaissance réelle les desseins que j'avais arrangés pour surprendre le pays d'Hanovre pour m'approprier la direction absolue du Mecklembourg343-2 et pour m'opposer de force contre l'élection d'un roi des Romains. Quoique je connaisse la cour de Vienne trop sage et de trop de pénétration pour qu'elle dût se laisser imposer par les mensonges d'un tel coquin, je serai cependant bien aise, si vous saviez sous main, et sans faire semblant que vous êtes instruit de ses fourberies, déterrer quelque chose de lui, pour m'apprendre s'il [y] est actuellement encore, quel accueil on lui a fait et si on l'a entendu sur ses mensonges. L'on m'a dit qu'il doit être logé dans les faubourgs de Vienne, où il doit garder l'incognito, mais ne laisser cependant de voir les ministres en cachette.

Je n'ai plus eu de vos nouvelles touchant l'abbé Carluzzi.

Federic.

Nach dem Concept.

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341-1 Vergl. S. 323.

341-2 Nr. 5742 S. 317.

341-3 In der Vorlage verschrieben: Pétersbourg.

341-4 Vergl. S. 100.

342-1 Vergl. S. 318.

343-1 Vergl. Bd. VIII, 603.

343-2 Vergl. S. 321.