5794. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A PARIS.

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Lord Marschall von Schottland berichtet, Paris 16. Februar: „Vous m'avez fait peur, Sire, dans une de vos dépêches,356-2 en disant que mes relations vous serviraient pour vous régler là-dessus. Je vous prie seulement, Sire, d'être persuadé que je vous écris ce qui me paraît vrai selon mon jugement, et que je ferai toujours de même. Mon frère356-3 a dit à Votre Majesté que je souhaiterais Lui faire ma cour si Elle avait fait cette année le voyage de Cleves. En réfléchissant sur l'animosité du roi d'Angleterre contre Votre Majesté, qu'il a montrée dans ses prétentions sur l'Ostfrise, sur les affaires de l'Empire et révoqué la garantie de la Silésie, il m'a paru que Votre Majesté ne serait pas fâchée d'être informée de la force du parti qu'il a contre lui en Angleterre, dans lequel et dans la personne du prince Edouard vous pourriez trouver de quoi lui donner bien à faire, s'il hasardait jamais de vous pousser trop loin. Si ce cas arrive, soyez sûr, Sire, que je ne vous donnerai point d'idées fausses et mal fondées, mais que je vous exposerai au juste le fort et le faible; que je ne vous tromperai pas en faveur de mes amis en Angleterre, ni ne les tromperai en faveur de personne. Il y a tant de choses à dire sur ce sujet qu'il est bien difficile de les expliquer autrement que de bouche. Je ne connais qu'un homme qui peut-être pourrait et voudrait aller, à ma place, vous ouvrir cette scène. Vous la trouveriez bien différente de ce qu'on

Potsdam, 27 février 1753.

Votre dépêche du 16 de ce mois m'a été heureusement rendue. Je vous saurai un gré particulier quand vous voudriez bien vous arranger de la sorte avec la personne dont vous faites mention dans votre dépêche immédiate, pour qu'elle vînt me voir ici, m'informer exactement du vrai état des affaires que vous m'avez touché. Car bien que, selon toute apparence, le roi d'Angleterre voudrait bien pour cette fois-ci modérer son animosité à mon égard, pour ne point venir à des éclats de conséquence sur un objet d'aussi peu d'importance que celui de l'arrêt que pour des raisons fondées et légitimes j'ai fait mettre sur ce qui restait à payer des dettes autrefois hypothéquées sur la Silésie, je serais néanmoins bien aise d'être mis au fait par votre ami des affaires ci-dessus alléguées; au surplus, il ne dépendrait que de lui et de sa convenance de quelle manière il souhaiterait de venir arriver ici.

Mes dernières nouvelles de Londres m'apprennent que la cour

s'imagine. Je tâcherai de l'y engager. C'est un homme sûr, qui a la confiance du parti, il a de grandes terres et ne voudrait par conséquent point faire l'aventurier. Il peut aller comme voyageur à Berlin. Il est actuellement en Angleterre, mais je crois qu'il doit venir bientôt ici. Soyez sûr, Sire, que je ne vous commettrai point, que ni le prince Edouard ni personne que cet homme seul n'en sera informé, excepté seulement qu'on saura qu'un tel homme a été à Berlin s'il y va publiquement, ce qui pourrait donner à penser au gouvernement d'Angleterre; et, s'il y va privément, il ne pourra voir que Votre Majesté et mon frère. Je ne puis cependant pas répondre que ses affaires lui permettent de faire le voyage; mais je le crois et je suis quasi sûr qu'il y ira avec plaisir. Si Votre Majesté a envie de l'entendre, qu'Elle me donne Ses ordres. En attendant, je tâcherai de le faire venir ici, pour ne point perdre de temps.“

a envoyé un courrier au comte Albemarle, avec la réponse qu'on a remise à mon chargé d'affaires sur son mémoire,357-1 pour la communiquer à la cour de Versailles, et, à ce qu'on dit, pour qu'il insinue en même temps que Sa Majesté Britannique serait charmée que la France voulût employer ses bons offices auprès de moi pour chercher à me convaincre de la légitimité des démarches de l'Angleterre dans cette affaire et pour m'engager en même temps à revenir des résolutions que j'avais prises sur l'arrêt des fonds de Silésie. L'on ajoute que les ministres anglais avaient tenu de pareils propos au marquis de Mirepoix, qui, charmé de l'occasion pour les obliger,357-2 en avait tout de suite rendu compte à sa cour. Vous veillerez donc de fort près sur M. de Saint-Contest, afin que les impressions que le lord d'Albemarle voudrait lui donner, ne le détournent nullement des sentiments justes et favorables à nous qu'il a bien marqués autrefois à ce sujet. Et comme vous avez en mains la copie du mémoire que mon chargé d'affaires à Londres a présenté ci-devant au ministère anglais, avec l'exposé des motifs qui m'ont fait procéder à cette démarche,357-3 ils vous fourniront assez d'arguments pour faire en sorte que M. de Saint-Contest ne se laisse point tourner par le lord Albemarle. Ce que je vous recommande bien, en me reposant à cet égard sur votre habileté reconnue.

Federic.

P. S.

Après avoir déjà fini ma dépêche, je viens de voir à mon grand étonnement une lettre qu'on m'a communiquée en m'engageant à la promesse du dernier secret, écrite du prince Louis de Würtemberg à un général autrichien, en conséquence de laquelle il lui propose un de ses amis qui servait actuellement en France, où des circonstances singulières l'avaient amené, mais qui aimait sa patrie, sa maison ayant été de tout temps attachée à celle d'Autriche, où elle avait eu les premiers emplois dans l'armée, et qui par sa naissance était en droit à demander un régiment, d'autant plus qu'il était colonel en France, où l'on ferait l'impossible de l'y fixer, et que les services que ce jeune homme pourrait<358> rendre par sa famille, étaient très importants et pouvaient tous les jours le devenir de plus en plus. Que le Prince ne saurait le nommer avant que d'être sûr de l'intention qu'on aurait de lui procurer les mêmes avantages que ceux dont il jouissait en France.

Comme il est aisément à pénétrer qui est la personne qui fait l'objet de cette lettre, et qu'il me paraît être trop important pour les intérêts de la France que je n'en dusse avertir M. de Saint-Contest de ce secret, je veux bien que vous cherchiez l'occasion de vous entretenir tête à tête avec lui, et, après avoir tiré de lui une promesse d'honneur de ne vouloir point confier mon secret à d'autres, vous lui communiquerez les circonstances ci-dessus marquées, en finissant que, si, malgré sa promesse donnée, il éclatait la moindre chose, il me mettrait dans le dernier embarras par rapport au canal dont le secret me venait, mais que je croyais qu'il trouverait assez de moyens pour empêcher indirectement ce Prince à ce qu'il ne sache exécuter son dessein.

Nach dem Concept.



356-2 Vergl. S. 2S9. 297.

356-3 Feldmarschall Keith.

357-1 Vergl. S. 349 Anm. 1.

357-2 Vergl. S. 318.

357-3 Vergl. S. 176 Anm. 2; 225.