5839. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION DE ROHD A STOCKHOLM.

Potsdam, 3 avril387-1 1753.

J'ai bien reçu le rapport que vous m'avez fait le 23 du mois dernier, et suis bien aise d'apprendre que le paquet avec le chiffre pour ma correspondance immédiate avec vous et celui pour la Reine, ma sœur, vous a été bien rendu, et qu'elle en a été contente. Quant aux insinuations qu'elle a souhaité que je fisse en France relativement au marquis d'Havrincourt, je n'ai point manqué d'instruire387-2 mon ministre à Paris, milord Maréchal d'Écosse, de faire les représentations les plus convenables là-dessus aux ministres de France, autant que la délicatesse de ceux-ci sur de pareils sujets le voudrait permettre, et je me flatte encore que ses représentations succèderont au moins à ce que le ministère français rectifiera le marquis d'Havrincourt de se conduire avec plus de prudence et d'impartialité entre la cour et le sénat de Suède. Pour ce qui regarde le colonel Orlick,387-3 je me souviens de l'avoir vu et connu autrefois à Berlin, et, pourvu que je ne me sois pas trompé sur son caractère, il m'a paru que ce ne soit pas un sujet assez capable pour manier des affaires de conséquence, ni qui eût assez de crédit en France pour qu'on saurait tabler sur lui. D'ailleurs je ne sais pas si le ministre de guerre en France est assez bien avec le marquis de Saint-Contest, qui est le seul chargé des affaires étrangères, pour qu'il saurait disposer celui-ci à donner les mains pour rappeler le marquis d'Havrincourt, en sorte que je suis fort en doute que la Reine, ma sceur, réussisse dans ses vues par le susdit moyen.

Vous remercierez le plus obligeamment de ma part le baron de Hœpken des avis qu'il m'a bien voulu communiquer sur la situation présente des affaires de la cour de Russie et sur l'apparence qu'il y a d'un prochain changement avec le chancelier Bestushew.387-4 Vous proposerez de ma part au baron de Hœpken s'il voulait bien donner des instructions au comte de Posse à Moscou qu'au cas qu'il arrivât que le chancelier Bestushew fût déplacé et que ce serait une chose faite et assurée, lui, comte de Posse, s'expliquerait alors avec le comte de Woronzow, en lui insinuant combien j'étais porté à rétablir cette bonne et étroite intelligence qui avait régné autrefois si heureusement entre moi et la Russie, et, comme le seul obstacle à cette union et celui qui<388> avait été l'unique cause du refroidissement entre les deux cours, n'existait plus en place, je faisais prier le comte Woronzow de s'expliquer sur les moyens qu'il comptait les plus propres et les plus expédients pour renouer avec sa cour cette bonne intelligence que j'avais cultivée autrefois soigneusement avec elle. Supposé qu'alors le comte Woronzow s'explique là-dessus, j'espère que le baron de Hœpken voudra bien m'en faire avertir le plus tôt possible. Au surplus, je dois réitérer qu'il ne faudrait pas que le comte de Posse fît cette demarche, avant que d'être parfaitement assuré que le chancelier Bestushew fût certainement congédié.

Comme mes lettres de Copenhague viennent de m'apprendre que le ministre destiné de la part de la cour de Danemark pour la Suède, le comte Wedell-Frijs,388-1 était sur son départ, et qu'on me le caractérise comme un sujet que le baron de Bernstorff s'était entièrement attaché et qui ferait son émissaire en Suède, de sorte qu'on aurait tout lieu de prendre garde à lui, j'ai bien voulu vous communiquer ceci, afin que vous en fassiez l'usage que vous trouverez convenable.

Au reste, j'ai donné mes ordres pour que la caisse de légation vous rembourse les seize ducats que vous avez mis en frais du paquet qui vous a été dernièrement remis.

Federic.

Nach dem Concept.



387-1 In der Vorlage verschrieben: mars.

387-2 Vergl. S. 374.

387-3 Die Königin von Schweden liess dem Könige, ihren Bruder, durch Rohd's Bericht vom 27. März im Vertrauen wissen: „Qu'elle a trouvé un canal d'informer la cour de France des desagréments qu'elle a [du marquis d'Havrincourt]. Le canal est le baron Orlick, colonel ou brigadier au service de France, et qu'on prétend avoir été le concurrent de l'Ambassadeur d'aujourd'hui, lorsqu'il s'est agi de remplacer feu le marquis de Lanmary (Bd. VI, 525; VII, 8) étant, à ce qu'on dit, en grande liaison avec le ministre de guerre [le comte d'Argensonj. Il a été autrefois en Suède, dont on m'a dit qu'il connaît assez bien la nation, quoique d'extraction polonaise lui-même.“

387-4 Vergl. S. 325.

388-1 Vergl. S. 309.