<199> emballé et vous soit envoyé dès qu'il sera achevé. Je ne sais, mon cher marquis, si jamais je reverrai Sans-Souci. Ma situation commence à devenir aussi cruelle et aussi affreuse qu'elle l'était l'année passée. Nous ne sommes qu'au prélude; jugez ce que cela deviendra quand la pièce commencera. Ne vous attendez à rien de bon, je vous le dis d'avance, et pensez plutôt à mon épitaphe qu'à des triomphes.

Adieu, mon cher marquis. Je vous annonce comme Cassandre les infortunes de Troie. Je voudrais me tromper, mais, s'il n'arrive pas quelque dieu de machine pour le dénoûment de la pièce, la catastrophe ne tardera pas d'arriver. Adieu; je vous embrasse.

135. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin, 17 juin 1760.



Sire,

Je sens bien les peines et les embarras où doit se trouver Votre Majesté; mais elle trouvera dans son génie et dans sa fermeté de quoi les surmonter glorieusement. Je vois une certaine espérance répandue dans tous les cœurs, qui m'est un sûr garant de l'accomplissement de celle que j'ai toujours eue, et qui, malgré les revers, n'a point encore été trompée. J'ai eu l'occasion de lire ici quelques lettres écrites par des officiers de l'armée de V. M.; elles annoncent la meilleure volonté dans toutes les troupes, qu'elles dépeignent comme remplies de zèle pour la patrie et pour le souverain. Ces lettres m'ont paru du meilleur augure du monde pour le succès de la campagne; elles montrent véritablement quel est l'esprit de l'officier et du soldat, puisqu'elles sont écrites par des gens qui n'avaient aucune raison de déguiser ce qu'ils pensaient aux personnes à qui ils les adressaient. Je