<234> J'attends sur cela votre réponse, résigné d'avance à voir manquer mon projet, s'il ne vous convient pas. Adieu, mon cher marquis; portez-vous bien, et faites des vœux pour un pauvre diable qui s'en ira voyager dans cette prairie plantée d'asphodèle,a si la paix ne se fait pas.

Si vous pouvez entreprendre ce voyage, vous me ferez plaisir de m'apporter tout ce qui a paru de nouveau de Voltaire, ou tout ce qu'on lui attribue, et le volume de l'Encyclopédie où il y a l'article Grammaire.

157. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin, 28 novembre 1760.



Sire,

Comment Votre Majesté a-t-elle pu penser que, malade ou en santé, je balancerais un instant à me rendre à Leipzig pour avoir le bonheur de la voir? Si je ne pouvais pas y aller en carrosse, je me ferais porter sur un brancard; rien ne pourra m'empêcher de jouir d'une satisfaction que j'ai tant désirée. Je partirai donc dès le moment que j'aurai reçu vos ordres, et je resterai, si vous le voulez, non seulement quelques semaines, mais trois mois. Je vous prierai seulement de permettre qu'au commencement de mars je puisse retourner à Berlin, parce que, depuis cinq ans, je suis sujet à une maladie chronique qui ne manque jamais de me prendre vers le milieu du mois de mars;


a Dans la description que Lucien donne de l'enfer, dans son traité du Deuil (traduction de d'Ablancourt, Amsterdam, 1709, in-8, t. II, p. 174) il dit : « Au delà du marais est un grand pré d'asphodèle, à travers lequel passe le fleuve d'oubli, etc. » Voyez aussi l'Odyssée d'Homère, ch. XI, v. 539 et 573, et ch. XXIV, v. 13.