<121> promit ce qu'elle voulut; outre cela il n'osait par timidité désobliger le Roi, et il avait de la répugnance à remettre les troupes saxonnes entre les mains d'un voisin qu'il avait voulu dépouiller de ses États six mois auparavant. Ajoutez à ceci que Brühl se prêtait avec répugnance à l'agrandissement de l'électeur de Bavière, auquel il enviait la dignité impériale. Après que ces différents sentiments se furent combattus dans son esprit, la peur l'emporta : par timidité, il remit au Roi les troupes saxonnes, bien résolu de les retirer aussitôt que cela serait possible.

L'après-midi il y eut une conférence chez le Roi. Le comte Brühl, le comte de Saxe, Valori, M. Désaleurs et le comte Rutowski s'y trouvèrent. Le Roi leur exposa les moyens qu'il croyait les plus convenables pour sauver M. de Ségur et la Bavière; il avait une carte de la Moravie sur laquelle il leur expliqua son projet de campagne. Son dessein était de tomber de toutes parts sur les quartiers des Autrichiens. En conséquence, M. de Broglie devait attaquer le prince de Lorraine, qui commandait l'armée ennemie, du côté de Frauenberg, tandis que les Prussiens et les Saxons les prendraient en flanc vers Iglau. Le comte de Saxe objecta que le maréchal de Broglie avait à peine seize mille hommes avec lui, et que l'expédition d'Iglau manquerait faute de fourrages et de subsistances. La première objection était sans réplique; quant à la seconde, le Roi se chargea de la lever, d'aller à Prague se concerter avec M. de Séchelles, intendant de l'armée, sur les moyens de fournir des vivres aux Saxons. Sur ces entrefaites, le roi de Pologne entra dans la chambre. Après quelques civilités, le Roi voulut du moins lui faire l'honneur de lui communiquer à quel usage on destinait ses troupes. Le comte Brühl avait vite plié la carte de la Moravie; le Roi la lui redemanda; on l'étala de nouveau, et ce prince fit en quelque sorte le vendeur d'orviétan, débitant sa marchandise le mieux qu'il était possible : il appuyait sur-