<124> tombeau de ses fondateurs, ou il invoquerait le soleil, ou quelque absurdité pareille l'emporterait sur le culte pur et simple de l'Être suprême.

La superstition est une faiblesse de l'esprit humain; elle est inhérente à cet être; elle a toujours été, elle sera toujours. Les objets d'adoration pourront changer comme vos modes de France; mais que m'importe qu'on se prosterne devant une pâte de pain azyme, devant le bœuf Apis, devant l'arche d'alliance, ou devant une statue? Le choix ne vaut pas la peine; la superstition est la même, et la raison n'y gagne rien.

Mais de se bien portera soixante-dix ans, d'avoir l'esprit libre, d'être encore l'ornement du Parnasse à cet âge, comme dans sa première jeunesse, cela n'est pas indifférent. C'est votre destin; je souhaite que vous en jouissiez longtemps, et que vous soyez aussi heureux que le comporte la nature humaine. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.

393. AU MÊME.

Sans-Souci, 24 octobre 1765 (1766).a

Si je n'ai pas l'art de vous rajeunir, j'ai toutefois le désir de vous voir vivre longtemps pour l'ornement et l'instruction de notre siècle.


a Il semble que cette lettre, rangée par les éditeurs de Kehl parmi celles de l'année 1765, n'ait été écrite que l'année suivante, parce que, selon M. Beuchot, ce ne fut qu'après l'exécution de La Barre, qui eut lieu en juillet 1766, que l'idée vint à Voltaire d'établir à Clèves une petite colonie de philosophes français. Voyez ci-dessus, p. 113, 114, 117, 118, 121 et suivantes.