<331>petit attestat, signé par le commandant de Wésel, à d'Alembert, qui en pourra faire un usage convenable.

Pour votre pouls intermittent, il ne m'étonne pas : à la suite d'une longue vie, les veines commencent à s'ossifier, et il faut du temps pour que cela gagne la veine cave; ce qui nous donne encore quelques années de répit. Vous vivrez encore, et peut-être m'enterrerez-vous. Des corps qui, comme le mien, ont été abîmés par des fatigues, ne résistent pas aussi longtemps que ceux qui, par une vie réglée, ont été ménagés et conservés. C'est le moindre de mes embarras, car, dès que le mouvement de la machine s'arrête, il est égal d'avoir vécu six siècles ou six jours.a Il est plus important d'avoir bien vécu, et de n'avoir aucun reproche considérable à se faire.

Voilà ma confession; et je me flatte que le Patriarche de Ferney me donnera l'absolution in articulo mortis. Je lui souhaite longue vie, santé et prospérité, et, pour mon agrément, que sa veine demeure intarissable. Vale.

496. DE VOLTAIRE.

Ferney, 17 novembre 1774.

Sire, quelques petits avant-coureurs que la nature envoie quelquefois aux gens de quatre-vingt et un ans ne m'ont pas permis de vous remercier plus tôt d'une lettre charmante, remplie des plus jolis vers


a Voyez ci-dessus, p. 289. Voltaire dit dans Micromégas : « Quand il faut rendre son corps aux éléments et ranimer la nature sous une autre forme, ce qui s'appelle mourir; quand ce moment de métamorphose est venu, avoir vécu une éternité ou avoir vécu un jour, c'est précisément la même chose. » Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XXXIII, p. 173.