<372> sceptre, qui le globe, et qui, le soir, le bougeoir du Roi; ce sont des choses bien plus attrayantes que de justifier un innocent. Vos conseillers de grand'chambre penseront ainsi; et Voltaire, le protecteur de l'innocence sans pouvoir la sauver, muni des consultations les plus intègres, n'aura de ressource que de flétrir dans ses écrits, lus de l'Europe entière, les bourreaux de La Barre et de ses compagnons.

J'écarte de ma mémoire ces horreurs et ces atrocités qui inspirent une mélancolie sombre, pour vous parler d'une matière plus agréable. Le Kain va venir ici cet été; et je lui verrai représenter vos tragédies. C'est une fête pour moi. Nous avons eu l'année passée Aufresne, dont le jeu noble, simple et vrai m'a fort contenté. Il faudra voir si les efforts de l'art surpassent dans Le Kain ce que la nature a produit dans l'autre. Mais, avant d'en venir là, j'aurai trois cents lieues à faire en parcourant différentes provinces. A mon retour, j'aurai le plaisir de vous écrire pour savoir des nouvelles du Patriarche de Ferney, pour lequel le solitaire de Sans-Souci ne cesse de faire des vœux. Vale.

519. AU MÊME.a

Le 17 mai 1775.b

Cinq cents milles de France que j'ai parcourus en quatre semaines me serviront d'excuse de vous devoir réponse à trois lettres, dont


a Cette lettre est tirée des Œuvres posthumes, t. IX, p. 270-272.

b Frédéric n'écrivit cette lettre qu'après avoir fini sa tournée militaire et administrative, c'est-à-dire après le 14 juin. Nous croyons donc la date de la traduction allemande des Œuvres posthumes (le 17 juin) plus juste que celle des Œuvres posthumes mêmes.