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315. A LA MÊME.

(Potsdam) ce 28 (juillet 1756).



Ma très-chère sœur,

J'ai très-bien reçu la lettre du 17 que vous avez eu la bonté de m'écrire; je vous en fais mille remercîments. Vous avez bien raison de déplorer ce qui est arrivé en Suède. Si l'on avait bien voulu suivre mes conseils (qui presque tous ont été mal reçus), les choses ne seraient point parvenues au triste état où elles se trouvent. Ma sœur s'est laissé séduire par un nombre de gens qui l'ont engagée trop avant, et qui, au lieu de travailler pour le Roi, n'ont, dans le fond, pensé qu'à leur propre intérêt; ils deviendront les victimes de leur ambition. A présent, tout cela est fini, et il faut réparer, dans l'ombre de la tranquillité et par beaucoup de douceur, des fougues de vivacité et d'emportement qu'on aurait mieux fait de réprimer.

Pour moi, ma chère sœur, qui me vois entouré des naufrages des ambitieux, je tâche de régler ma conduite sur ce que mon âge semble demander; bien loin de suivre les premiers mouvements de mon âme, je prends un chemin plus sûr. J'ai entamé une négociation avec mes ennemis; je veux qu'ils déclarent leurs intentions, et que par là ma conduite soit justifiée à la face de toute la terre. Si, après ces essais, ils se montrent intraitables, et que, dans leur ivresse, ils se montrent sourds à la voix de la raison, je ferai ce que chacun ferait en ma place, mais la conscience nette de tout reproche et avec une entière confiance dans la justice de ma cause. Que le futur ne vous alarme point, ma chère sœur; il est incertain, il est voilé heureusement à nos yeux; nos espérances ni nos craintes n'empêcheront pas les événements de se suivre, et en qualité d'hommes qui sont nés pour le bonheur et pour le malheur, il faut se préparer à recevoir avec un visage égal telle liqueur que Jupiter voudra répandre sur nous de ses