21. A LA MÊME.

Strehlen, 3 mai (1761).



Ma chère sœur,

Votre lettre m'a servi de julep pour me fortifier contre les périls qui m'environnent. Je suis fâché de vous savoir la fièvre. Je me flatte que ce ne sera qu'une atteinte légère d'un mal passager, qui affermira votre santé. Demain nous passons l'Elbe et marchons pour Görlitz, où nous serons le 8, pour être le 13 vis-à-vis de Loudon, dans la Silésie. Veuille le ciel que notre âme exaltée ait découvert les événements futurs! Veuille le ciel que cette paix tant désirée arrive, quand ce ne serait qu'au beau milieu de l'été! Peut-être, ce mois, recevrai-je encore de vos nouvelles. Si les Russes s'en mêlent, notre correspondance sera interceptée dès le commencement de juillet. Dieu nous soit propice! J'ai pris congé de mon frère Henri; il<457> fait au delà de ce qu'il peut. Je puis dire que je l'aime véritablement, et que je lui sais gré de sa bonne volonté. Je me repose sur lui. Il a de l'esprit et de la capacité, deux choses bien rares à trouver, et très-recherchées dans les temps présents. Adieu, mon ange; pardonnez-moi si je ne vous écris pas mieux; mais je suis fatigué, et j'ai une grande besogne par devers moi. Recevez avec bonté les assurances de la tendresse avec laquelle je suis, ma chère sœur, etc.