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DES FAUSSES ET DES VÉRITABLES DÉMONSTRATIONS DE L'ENNEMI.

Il est très-difficile de distinguer à coup sûr les fausses des vraies démonstrations de l'ennemi; voici tout ce que l'on peut dire de plus plausible sur cette matière. La meilleure méthode, dont le prince Eugène s'est toujours bien trouvé, c'est d'avoir un bon espion à la cour du prince avec lequel l'on est en guerre, ou du moins d'avoir un espion d'importance dans l'armée ennemie, qui vous avertisse des desseins de son général. Si ces deux moyens vous manquent, il faut étudier la méthode du général qui commande l'armée que vous avez devant vous. La plupart des généraux suivent à peu près le même train; lorsqu'on le connaît, on peut juger, tant par leurs mouvements que par la manœuvre des troupes légères, quel peut être leur dessein, et, quant aux différents desseins qu'ils pourraient former, le plus sûr est de supposer qu'ils feront ce qui vous est le plus désavantageux; si vous tâchez de les prévenir de ce côté-là, du moins, s'ils ont un autre dessein, le succès ne vous en sera-t-il pas aussi préjudiciable. Une bonne méthode, c'est de se camper proche de l'ennemi; alors vous voyez ce qu'il fait, et vous êtes en état de vous opposer à ses desseins; mais s'il esta à quelques marches de votre armée, on vous fera à tout moment de faux rapports, et il pourra vous arriver de faire un mouvement à contre-temps, ce qui gâtera toutes vos affaires. Mais, si vous avez l'ennemi en vue, vous n'avez qu'à ouvrir les yeux pour savoir ce qu'il fait, De plus, les camps les plus voisins de l'ennemi sont les plus paisibles, toutes fois et quantes on y est en règle. Les principales choses qu'il faut couvrir dans nos guerres, ce sont les magasins, et c'est sur eux que doivent rouler la plupart des projets de l'ennemi. S'il s'agit de gagner des défilés ou des passages dont le


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