<170> dix campagnes le bât sous le prince Eugène, n'en sera pas meilleur tacticien; et il faut confesser, à la honte de l'humanité, que beaucoup d'hommes vieillissent dans un métier respectable d'ailleurs, sans y faire d'autres progrès que ce mulet.

Suivre la routine du service, s'occuper du soin de sa pâture et de son couvert, marcher quand on marche, se camper quand on campe, se battre quand tout le monde se bat, voilà, pour le grand nombre d'officiers, ce qui s'appelle avoir servi, avoir fait campagne, être blanchi sous le harnois.

De là vient qu'on voit ce nombre de militaires attachés à de petits objets, rouilles dans une ignorance grossière, qui, au lieu de s'élever par un vol audacieux jusqu'aux nues, ne savent que ramper méthodiquement sur la fange de la terre, qui ne s'embarrassent et ne connaîtront jamais les causes de leurs triomphes ou de leurs défaites. Ces causes sont cependant très-réelles.

Ce sévère critique, le judicieux Feuquières,a nous a détaillé toutes les fautes que les généraux ont faites de son temps; il a, pour ainsi dire, fait l'anatomie des campagnes où il a assisté, en montrant quelles étaient les causes des succès et quelles étaient les raisons des infortunes. Il a indiqué la route qu'il faut suivre lorsqu'on veut s'éclairer, et par quelles recherches on découvre ces vérités primitives qui sont la base des arts.

Depuis son siècle, la guerre s'est raffinée; des usages nouveaux et meurtriers l'ont rendue plus difficile. Il est juste de les détailler, afin que, ayant bien examiné le système de nos ennemis et les difficultés qu'ils nous présentent, nous choisissions des moyens propres pour les surmonter.

Je ne vous entretiens point des projets de nos ennemis, fondés sur le nombre et le pouvoir de leurs alliés, dont la multitude et la puissance réunie était plus que superflue pour écraser, non la Prusse,


a Voyez ci-dessus, p. 112.