<174> fonds pour la guerre. L'avis de M. Bute prévalut dans le conseil du Roi sur celui de son antagoniste. M. Pitt en ressentit un chagrin si vif, que, plein d'indignation, il se démit de ses charges. Son exemple fut suivi peu après par les ducs de Newcastle et de Devonshire, qui renoncèrent également à leurs emplois. M. Bute profita de leurs dépouilles : il prit la place du conseil qu'il voulut, et il forma une nouvelle administration, composée des lords Halifax, Egremont et Grenville, qui fut nommée le triumvirat; mais Bute en était l'âme.

Peu après, les événements prouvèrent que M. Pitt avait jugé des intentions de l'Espagne en homme d'État; car M. Bute perdit son temps à négocier, et il fallut avoir recours aux armes. Les Anglais furent obligés d'assister le roi de Portugal de leurs troupes, et les avantages que leurs flottes remportèrent sur mer, furent encore dus au sieur Pitt, qui avait fait les projets de ces expéditions durant son ministère. A peine M. de Bute fut-il en place, que la froideur qui commençait à régner entre la Prusse et l'Angleterre, s'accrut considérablement. Le sieur Bute refusa les subsides que la nation avait payés jusqu'alors au Roi; il se flattait par là de réduire ce prince, par nécessité, à consentir aux propositions de paix que le ministère britannique jugerait à propos de lui prescrire. Cet Anglais croyait que l'argent fait tout, et qu'il n'y avait d'argent qu'en Angleterre. Mais qu'on voie à quoi tiennent les affaires du monde et les projets des hommes. L'impératrice de Russie meurt; sa mort trompe tous les politiques de l'Europe, et renverse tant de plans et de desseins arrangés avec tant de soin et laborieusement combinés. Cette princesse, dont la santé avait été chancelante les dernières années, fut subitement emportée par un crachement de sang, le 5 de janvier 1762. Par sa mort, le trône était dévolu au grand-duc son neveu, qui s'y plaça et régna sous le nom de Pierre III.

Le Roi avait cultivé l'amitié de ce prince dans le temps où il n'était encore que duc de Holstein, et, par une sensibilité rare parmi les