<46> vous verrez que les temps d'élévation et de splendeur des empires ont été ceux où des génies sublimes, des âmes vertueuses, des hommes doués d'un mérite éminent y ont brillé, en soutenant le poids du gouvernement par leurs efforts généreux. C'est ce sentiment confus qui rend le public sensible à la mort des hommes d'une naissance illustre, parce qu'il attendait d'eux des services importants. Comme on regrette plus la perte d'une tendre plante, prête à produire, et qu'un hiver rigoureux emporte, que celle d'un arbre antique dont la sève tarie a desséché les rameaux; de même, messieurs, le public est plus sensible aux espérances qu'on lui enlève lorsqu'il touche au moment d'en jouir, qu'à la perte de ceux dont la caducité ne lui fait plus attendre les mêmes services qu'ils lui rendirent dans leur jeunesse.

Sur qui pouvions-nous jamais fonder de plus solides espérances que sur un prince dont les moindres actions nous découvraient un caractère admirable, et nous annonçaient de quoi il serait capable un jour? Hélas! nous voyions le germe des talents et des vertus s'accroître et prospérer dans un champ qui nous promettait de riches moissons.

Les personnes les plus éclairées, ceux qui ont le plus l'usage du monde, et qui en même temps ont le plus fouillé dans le cœur de l'homme, savent déchiffrer dans le fond du caractère les actions qu'on peut en attendre. Que ne trouvaient-ils pas dans le caractère de ce jeune prince? Une âme où la vertu était empreinte, un cœur plein de sentiments nobles, un esprit avide de s'instruire, un génie de la plus grande élévation, une raison mâle et prématurée. Voulez-vous des exemples de ce que la raison pouvait sur lui dans un âge aussi tendre? Rappelez-vous, messieurs, ces jours de troubles, marqués par tant de calamités, où l'Europe, dans une espèce de délire, s'était conjurée pour bouleverser cette monarchie; où nous pouvions compter le nombre de nos ennemis, et où il était difficile de discerner nos amis à des marques certaines. Dans ce temps, le prince de Prusse