<247> seules qui règnent. Entrons dans quelque détail. Représentez-vous le nombre des personnes employées dans les conseils, à l'administration de la justice, à celle des finances, dans les missions étrangères, dans le commerce, dans les armées, dans la police intérieure; ajoutez-y celles qui ont leur voix dans les provinces d'états : toutes, vous dis-je, participent à l'autorité souveraine. Le prince n'est donc pas un despote qui n'a pour règle que son caprice. On doit l'envisager comme étant le point central où aboutissent toutes les lignes de la circonférence. Ce gouvernement procure dans ses délibérations le secret qui manque aux républiques, et les différentes branches de l'administration, étant réunies, se mènent de front, comme les quadriges des Romains, et coopèrent mutuellement au bien général du public. De plus, vous trouverez toujours moins d'esprit de parti et de faction dans les monarchies, si elles ont à leur tête un souverain ferme, que dans les républiques, qui sont souvent déchirées par des citoyens qui briguent et cabalent pour se culbuter les uns les autres. S'il y a en Europe quelque exception à faire à ce que je viens de dire, ce peut être à l'égard de l'empire ottoman ou de quelque autre gouvernement qui, méconnaissant ses véritables intérêts, n'ait pas lié assez étroitement l'intérêt des particuliers à ceux des souverains. Un royaume bien gouverné doit être comme une famille, dont le souverain est le père, et les citoyens, ses enfants; les biens et les maux sont communs entre eux, car le monarque ne saurait être heureux quand ses peuples sont misérables. Quand cette union est bien cimentée, le devoir de la reconnaissance produit de bons citoyens, parce que leur union avec l'État est trop intime pour qu'ils puissent s'en séparer; ils auraient tout à perdre et rien à gagner. Voulez-vous des exemples? Le gouvernement de Sparte était oligarchique, et il a produit une multitude de grands hommes dévoués à la patrie. Rome, après qu'elle eut perdu sa liberté, vous fournit des Agrippa, des Thraséa Pétus, des Helvidius Priscus, un Corbulon, un Agricola, des empereurs Tite,