<82>A rompre vos desseins leurs chefs se signalèrent;
C'était à Norrkoping,a au fort des démêlés.
L'indigne maréchal des états assemblés
Vous manqua, vous trahit et vous devint parjure.
Aucun tigre jamais n'a changé de nature,
Et jamais vos Suédois, républicains fougueux,
N'atteindront aux vertus dont brillaient leurs aïeux.
Il vous restait au moins un époux cher et tendre.
Qui savait partager vos maux et vous défendre;
L'impitoyable mort le frappa dans vos bras.
Voilà, ma sœur, voilà le sort des potentats,
Surtout des rois privés du pouvoir monarchique,
Tâchant de résister au torrent anarchique.
Des roseaux jusqu'au cèdre, et des rois aux manants,
Tout mortel est en proie aux chagrins dévorants;
Un pauvre laboureur dont périt la génisse
Sent sa perte aussi bien, souffre même supplice
Qu'un roi qui voit soudain avorter ses projets;
La douleur est égale, autres sont les objets.
Le pauvre a des parents ainsi que le monarque,
L'un et l'autre gémit des rigueurs de la Parque;
Un ami tendre, un père, une sœur, un seul fils,
Nous déchirent le cœur quand ils nous sont ravis,
Et nos fragiles corps, moulés sur un modèle,
Cèdent à la douleur quand elle est trop cruelle.
Ainsi tout est égal, soit grands, soit plébéiens,
La somme de nos maux l'emporte sur les biens.
Épicure, autrefois contredit dans la Grèce,
Mais dont on reconnut le grand sens, la sagesse,
Prescrivait pour maxime à tous ses auditeurs
D'éviter avec soin les piéges des grandeurs.
Fuyez, leur disait-il, les affaires publiques,
Et, laissant consumer ces sombres politiques,
Conservez dans vos cœurs la paix et le repos.
Atticus, qui l'en crut, au milieu des complots
Qu'enfantait chaque jour une guerre civile,


a Le Roi veut parler de la diète convoquée à Norrköping en 1769.