<643>hypocrites ont si maladroitement montré ce qu'ils sont par la conduite scandaleuse qu'ils ont eue dans la maladie du feu roi, qu'on est persuadé que le jeune prince les a bien connus, et ne tombera pas dans leurs filets. Rien n'égale l'indignation de toute la France contre les instituteurs qui ont élevé ce monarque avec une négligence dont il se plaint lui-même. On espère au moins qu'il ne leur donnera pas sa confiance.

Nous attendons un pape, et nous espérons qu'il ne laissera de jésuites que dans les États de V. M., puisqu'elle veut bien les y souffrir. Je ne suis point étonné que V. M. ne croie pas à l'empoisonnement du pauvre pontife; elle ne pourrait garder un moment de si habiles apothicaires. Mais toutes les nouvelles d'Italie sont si positives et si bien circonstanciées à ce sujet, qu'il n'est pas possible d'en douter. V. M. me fait l'honneur de me demander si je crois cette petite fille inspirée. Je me flatte qu'elle me connaît assez pour ne pas me soupçonner d'ajouter foi à de pareilles inspirations; mais ce que je crois plus volontiers, c'est que les fripons qui lui ont fait prédire la mort du pape avaient d'avance pris leurs mesures, ou étaient bien résolus de les prendre, pour que la prédiction fût vraie. Ainsi, n'en déplaise à V. M., je dirai toujours, comme Caton, qu'il faut détruire Carthage;a mais j'ajouterai que, à l'exception des empoisonneurs, s'ils sont convaincus, il serait barbare de rendre malheureux et de réduire à la misère et au désespoir les individus qui habitaient Carthage, et qu'il faut tâcher de transformer en bons et honnêtes citoyens ceux qui auraient été des jésuites ambitieux et intrigants.

J'espère que le sculpteur sera arrivé quand V. M. recevra la lettre que j'ai l'honneur de lui écrire. J'ai tout lieu de croire que V. M. sera aussi contente de sa personne qu'elle me paraît l'être de ses talents et de ses ouvrages; c'est un bon Flamand, droit et honnête, qui n'aura rien de plus à cœur que de se montrer digne des bontés de V. M. Il a dû remettre à V. M. une lettre dans laquelle je lui demande instamment une grâce, que je la prie de ne pas me refuser. C'est de vouloir bien me donner son portrait, fait à sa belle manufacture de porcelaine, et pareil au portrait en


a Plutarque, Vie de Marcus Caton, chap. XXVII.