<9>terrain par votre retraite qu'après la perte d'une bataille, et que votre armée se fondra plus considérablement par la désertion qu'après l'action la plus sanglante. Une défensive aussi restreinte que celle que je propose ne vaut rien, car il y a tout à perdre et rien à espérer. Je préférerais donc à cette conduite l'audace d'un général qui risquerait une bataille à propos, car il a tout à espérer, et, dans son malheur même, il lui reste toujours la ressource de la défensive.

Un projet de campagne offensive demande qu'on examine la frontière de l'ennemi, que, après avoir bien discuté sur les points d'attaque, on règle sur ceux-là le lieu où l'armée doit s'assembler, et qu'on pourvoie enfin aux vivres.

Pour rendre ceci plus clair, je vais illustrer mes principes par des exemples, en faisant des projets pour attaquer la Saxe, la Bohême et la Moravie.

S'il s'agit d'attaquer la Saxe, il faut s'emparer de l'Elbe; mais, pour commencer l'expédition, Halle serait le lieu le plus commode pour assembler l'armée. Le grand dépôt serait à Halle, et le magasin principal à Magdebourg. Un général qui ne se pourvoit pas assez de vivres, fût-il supérieur à César, il ne sera pas longtemps héros. On en commet le soin à un homme intègre, discret et habile; on se pourvoit de farines pour toute une campagne, et l'armée même en conduit avec elle pour trois semaines ou un mois. Vous laisserez une garnison à Halle, et vous aurez toutes les attentions possibles pour que l'ennemi, par des trahisons, ne puisse pas endommager votre magasin. Si l'ennemi tient la campagne, il faut lui livrer bataille, pour que vous puissiez pousser vos opérations. Si vous êtes heureux, vous entreprenez le siége de Wittenberg. Cela vous rend maître du cours de l'Elbe, qui doit vous donner vos vivres; vous la remontez toujours jusqu'à Dresde, et vous emparez de cette capitale. Il faut se faire en même temps ces objections : Si l'ennemi prend le poste de Meissen, comment pourrai-je le tourner? ou, s'il prend celui de Kesselsdorf, quelle manœuvre ferai-je pour l'en déposter? Il vient alors dans l'esprit ou de marcher par la droite pour le tourner, ou d'envoyer un détachement de l'autre côté de l'Elbe pour attaquer le Vieux-Dresde, ce qui pourra faire reculer cette ar-