<14>gagé : il ne voyait devant lui que des chutes célèbres et des passages rapides du comble de la faveur à la disgrâce et à l'oubli. Il renonça à la politique, et quittant le service de Saxe, il choisit une profession où il suffit d'être honnête homme pour faire son chemin.

La réputation des troupes prussiennes et l'amour de la patrie l'engagèrent à préférer ce service à tout autre. Ce fut l'année 1730 qu'il reçut une compagnie de dragons dans le régiment de Baireuth.a Ce n'était pas alors une chose facile de passer d'un autre service dans celui de Prusse, et il fallait avoir un mérite reconnu pour être reçu. M. de Goltz justifia bien la bonne opinion qu'on avait de lui. Doué d'un génie heureux et de toutes sortes de talents, il ne dépendait que de lui d'être tout ce qu'il voulait, et d'exceller en chaque genre. A peine fut-il officier, qu'il surpassa tous ceux de son régiment en exactitude et en vigilance; et il parvint, par son application, à une connaissance si parfaite de son métier, qu'on jugea d'abord, par ces commencements, de ce qu'il serait un jour. Ulysse reconnut ainsi Achille en lui présentant des armes.

Le génie de M. de Goltz n'avait pas échappé au feu roi, qui se connaissait bien en hommes. Il l'envoya à Varsovie l'année 1733, lorsque la mort d'Auguste, roi de Pologne, ouvrait un vaste champ aux intrigues, aux partis et aux dissensions de cette république, qui était agitée par les mouvements que se donnaient les puissances de l'Europe pour l'élection d'un nouveau roi.

M. de Goltz connaissait non seulement les intérêts de toutes les grandes familles de ce royaume; il avait, de plus, une perception vive, et cet heureux talent de démêler d'abord la vérité de la vraisemblance. Ses relations pronostiquèrent exactement les desseins de la Pologne : il lut l'avenir dans les causes présentes,


a Le 22 octobre 1729, le baron de Goltz obtint une compagnie de dragons dans le régiment de Schulenbourg, qui, depuis (en 1731), fut appelé régiment de Baireuth. Sans avoir été major, il fut nommé, le 25 octobre 1734, lieutenant-colonel dans le régiment de dragons de Möllendorff, dont le général de Cosel avait été le chef jusqu'au 11 septembre de la même année. Il parvint au grade de colonel le 17 mai 1741. On le fit passer, le 7 août 1742, dans le régiment des gendarmes, dont il devint chef le 7 avril 1743. Le 25 mai suivant, il fut élevé au rang de général-major.