10599. INSTRUCTION.

Instruction pour le lord-maréchal d'Écosse pour sa mission en Espagne.

Berlin, 19 décembre 1758.

Comme vous m'avez demandé la permission d'aller faire un tour en Espagne, je me suis fait un plaisir de déférer à cette demande. Connaissant aussi la considération que vous vous êtes acquise à la cour de Madrid, et les étroites liaisons dans lesquelles vous vous trouvez depuis longues années avec le sieur Wall, principal ministre de la cour d'Espagne, j'ai été bien aise de profiter de cette occasion pour vous charger de veiller à mes intérêts auprès de la cour de Madrid pendant le séjour que vous y ferez. Pour cet effet, je vous adresse ci-joint sous cachet volant des lettres de créance pour Sa Majesté Catholique aujourd'hui régnante.426-1 Il dépendra de vous de faire de ces lettres de créance l'usage que vous jugerez le plus propre aux circonstances en arrivant à la cour de Madrid; et en général pour ce qui regarde l'étiquette, les audiences à prendre et les compliments à faire tant au Roi Catholique qu'à l'infant Don Louis426-2 et à la Reine douairière d'Espagne426-3 qui pourrait avoir bientôt de nouveau une grande influence à cette cour, je m'en remets uniquement à votre prudence et à la connaissance que vous avez de la cour d'Espagne. Mais comme une mission particulière pourrait être sujette à des inconvénients dans la crise présente des affaires, j'ai cru que le plus convenable était de ne vous revêtir d'aucun caractère, mais de vous charger de simples lettres d'amitié et de politesse qui ne laisseront pourtant pas de vous procurer toute la créance nécessaire, lorsque le cas l'exigera.

L'objet principal de votre commission doit être de profiter dans l'occasion des bonnes dispositions dans lesquelles la cour d'Espagne paraît être à mon égard, surtout par rapport à la médiation pour la future paix, au cas que cette couronne vînt effectivement à en être chargée; et ce qui m'a fait surtout naître cette idée, c'est une circonstance dont je vais vous faire part sous le sceau du secret et uniquement pour votre direction . . .

Es folgt der Bericht Knyphausen's vom 14. November über die Unterredung des Lord Bristol mit dem Minister Wall.426-4

Voilà le contenu de la susdite dépêche dont j'ai cru devoir vous communiquer les propres mots, afin que vous soyez d'autant plus en état de juger de la façon de penser de la cour d'Espagne. Votre premier et principal soin sera donc, en y arrivant, de vous informer sous<427> main et sans affectation des suites que cette affaire a eues depuis, ou pourrait avoir dans la suite, et de tâcher d'en tirer le parti le plus convenable pour la cause et pour mes intérêts aussi bien que pour ceux de l'Angleterre. Si vous trouvez qu'on pense toujours également bien pour moi à la cour de Madrid, et que l'occasion s'en présente naturellement, vous pouvez bien faire connaître au sieur Wall que je serais charmé de parvenir au rétablissement d'une paix honorable, de concert avec mes alliés, par la médiation du Roi Catholique, et que je ne balancerais pas de remettre mes intérêts entre les mains d'un monarque qui m'avait non seulement toujours donné des marques d'une amitié sincère, mais qui se distinguait aussi par les principes de modération et d'impartialité dont il faisait profession.

Pour ce qui regarde le fond de l'affaire même et les propositions de paix à faire de part et d'autre, je ne saurais que vous renvoyer à ce que je vous ai fait connaître là-dessus par mes lettres immédiates427-1 . . .

Es werden die in dem Schreiben vom 9. December ausgesprochenen Anschauungen wiederholt.

Il est bon que vous sachiez encore que la cour de Danemark brigue avec beaucoup d'ardeur le rôle de la médiation, faisant faire pour cet effet des insinuations tantôt à ma cour tantôt à celle de Londres;427-2 mais j'ai tout lieu de me défier de cette médiation, connaissant, comme je fais, la prédilection de la cour de Copenhague pour celle de France et venant même d'apprendre qu'elle a fait proposer depuis peu à l'Angleterre une paix séparée avec la France à mon exclusion : ce que je ne vous dis pourtant que pour votre seule information et sous défense d'en rien faire remarquer au lord Bristol, ayant promis au ministère britannique de lui en garder le secret.427-3 Je souhaiterais donc que la médiation pût passer toute entière entre les mains de l'Espagne, ou qu'elle ne la partageât qu'avec la république de Hollande; cependant, il faut bien se garder de donner ouvertement l'exclusion au Danemark.

Comme mes intérêts sont essentiellement liés avec ceux de l'Angleterre, vous ne pourrez pas vous dispenser d'entrer dans une sorte de liaison, et autant que les circonstances pourront le permettre, avec l'ambassadeur de cette couronne à Madrid, et il sera même nécessaire que vous tâchiez de gagner sa confiance. Vous pouvez aussi lui faire part du but de votre mission, sans pourtant lui faire connaître que vous soyez instruit de son entretien susmentionné avec le sieur Wall; et pour ce qui est de la voie qu'il faudra choisir pour me faire parvenir sûrement vos lettres et pour entretenir une correspondance suivie avec moi, je ne puis que m'en rapporter à vous-même et au canal qui vous pa<428>raîtra le plus convenable à mes intérêts, ce que vous serez mieux à même de régler sur les lieux que je ne pourrais vous le prescrire d'ici.

Après votre commission principale, il y a un autre objet qui mérite toute votre attention. Il est connu que la santé du roi d'Espagne est fort chancellante, et qu'il songe même souvent à abdiquer, de sorte que le cas de la succession ne paraît guère fort éloigné pour son frère le roi Don Carlos. Vous savez aussi que l'Impératrice-Reine s'est stipulée dans le traité d'Aix-la-Chapelle la réversion des duchés de Parme et de Plaisance, aussitôt que l'infant Don Philippe parviendrait au royaume des Deux-Siciles;428-1 que [le] roi Don Carlos n'a jamais voulu accéder à ce traité, et qu'il ne paraît nullement disposé à céder le royaume des Deux-Siciles à son frère l'infant Don Philippe: circonstances qui pourraient aisément causer une rupture en Italie. Je vous recommande donc d'être fort attentif à cette affaire, et je suis persuadé que si vous trouvez une occasion favorable d'en profiter pour mes intérêts, vous ne la laisserez point échapper.

On parle beaucoup d'une union maritime que la cour de France doit travailler à établir entre l'Espagne, le Danemark et la république de Hollande, pour commettre ces trois puissances avec l'Angleterre et pour susciter à cette dernière de nouveaux ennemis. Vous ne ferez pas mal de prêter également quelque attention à cet objet et de contrecarrer de votre mieux les desseins de mes ennemis à cet égard.

Comme les conjonctures présentes ne vous permettent pas de passer par la France, je crois que vous ne pourrez pas prendre d'autre route que celle de Gênes, ce qui dépend pourtant de vous.

Ce sont là les principaux points sur lesquels je puis présentement vous donner mes instructions, et je me réserve de vous en donner de plus amples, quand j'aurai appris par vos dépêches la situation présente des affaires à la cour d'Espagne. En attendant, je me repose entièrement sur votre dextérité et sur le zèle que je vous connais pour mes intérêts.

Vous recevrez aussi ci-joint un chiffre chiffrant et déchiffrant pour vous en servir dans vos dépêches, quand il s'agira de me mander des choses secrètes.

Federic.

H. Comte de Podewils. Finckenstein.

Nach der Ausfertigung.428-2

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426-1 Königliches Handschreiben, d. d. Berlin 19. December; im Ministerium concipirt.

426-2 Der dritte Stiefbruder des regierenden Königs von Spanien und dritte Sohn der Königin-Wittwe Elisabeth.

426-3 Elisabeth Farnese, die zweite Gemahlin Philipp's V. und Mutler des spanischen Thronerben, des Königs Karl von Sicilien.

426-4 Vergl. in Nr. 10574 und dazu S. 415. 416.

427-1 Vergl. Nr. 10587 und Nr. 10588.

427-2 Vergl. S. 374 und S. 407. 408. 409.

427-3 Dies Versprechen hatten, nach dem Bericht vom 17. November (S. 407), die preussischen Gesandten dem Minister Pitt gegeben.

428-1 Artikel VII des Friedensvertrages von Aachen. Vergl. Wenck, Codex juris gentium, Bd. II, S. 348.

428-2 Die Instruction ist, zum Theil nach speciellen Weisungen des Königs (vergl. Nr. 10585), von Hertzberg concipirt, eine Reihe von Aenderungen und Zusätzen im Concept stammen von Finckenstein und Podewils. Am 23. December schreibt Eichel an Finckenstein, dass er die Unterhandlung in Spanien als unsicher und schwierig ansehe. „Des Königs Majestät haben mir bei der Unterschrift auch Selbst geschienen, als ob dergleichen Negociation Deroselben sehr ungewiss und weitläuftig vorkomme und Sie Sich keinen grossen Effect davon versprechen, zumalen wenn solcher noch zur rechten Zeit kommen soll, wobei Sie Sich der jetzigen personellen Umstände des Königs von Spanien und dessen, was der Herr von Hellen sonsten letzthin en secret gemeldet, erinnert haben. Indess es allemal gut sein dörfte, nichts deshalb unversuchet zu lassen.“