<198>mettre M. de Broglie dans une meilleure situation. Pour moi, Monsieur, vous savez déjà que ma situation est telle que ce serait vouloir faire l'impossible que de marcher avec mon armée vers Prague, ne trouvant point du tout la subsistance qui me fallait pour y marcher, et comme mon armée n'est pas encore remise des pertes qu'elle a eues dans la bataille sanglante qu'elle vient de donner, je risquerais infiniment de la ruiner tout à fait, si je la voulais mener d'abord à une autre bataille, pour ne point parler des tristes suites, si malheureusement elle eût quelque échec, qui entraînerait absolument la perte de toute la Bohême, et même de toute la Silésie.

A vous parler franchement, Monsieur, je crois qu'on ne s'est pas bien pris à exécuter les opérations qu'on a concertées, et que les choses vont tant à rebours que je n'ai pas bonne opinion de leur réussite; aussi, selon moi, il n'y aura guère d'autre ressource, pour ne pas gâter tout, que de faire la paix à des conditions si bonnes qu'on les pourra avoir. Je suis etc.

Federic.

Nach dem Concept.


890. AU CARDINAL DE FLEURY A ISSY.

Camp de Kuttenberg, 13 juin 1742

Monsieur mon Cousin. J'ai le chagrin de vous apprendre qu'après que M. de Broglie n'a pas poussé le prince de Lobkowitz comme il convenait, et qu'il lui a laissé le temps de se retirer à Budweis, les deux armées ennemies, dont je n'ai pu suivre celle du prince Charles, faute à trouver la subsistance, se sont jointes, ont passé la Moldau, et ont obligé par là M. de Broglie de se retirer derrière la Beraun. En apprenant cette mauvaise nouvelle, mon dessein était de marcher aussitôt vers Prague, pour soutenir cette capitale, mais en voulant faire les arrangements nécessaires pour cela, j'ai. trouvé qu'il m'était impossible d'exécuter ce dessein, puisque j'aurais abandonné par là tous mes magasins, et que je m'en serais tant éloigné que mon armée n'aurait absolument pas trouvé sa subsistance.

Dès le commencement de mon entrée en Bohême, mon avis était que les troupes saxonnes, au lieu d'aller à Leitmeritz, devaient rester proche de Prague. Depuis ce temps, j'ai plusieurs fois réitéré ma demande à cette cour, pour faire approcher ses troupes vers Prague, afin d'y être à portée de soutenir M. Broglie, étant même persuadé que l'ennemi ne se prendrait point à M. de Broglie, s'il savait les troupes saxonnes à portée de soutenir celui-ci. Mais mes avis n'ont été point du tout écoutés, et on s'est pris tellement de travers de tous les côtés qu'à la fin il est arrivé ce que j'avais craint. Mon chagrin en est d'autant plus grand que M. de Valory m'a appris que presque en même temps l'année ennemie en Bavière a trouvé moyen de passer en. deçà du Danube.