1269. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A SAINT-PÉTERSBOURG.

Potsdam, 26 novembre 1743.

J'ai bien reçu votre dépêche en date du 9 de ce mois. Comme vous savez déjà mon intention sur l'envoi du grand-maréchal Bestushew à ma cour, et que je ne le refuse point, j'espère que les sieurs Woron<476>zow, Lestocq et Brummer seront contents de ce que je les ai prévenus dans leurs projets à ce sujet.

M'ayant été mandé de Londres qu'on vient de nommer le lord Tyrawley pour ambassadeur extraordinaire à la cour de Russie, et qu'on lui a déclaré en même temps qu'il devait se tenir prêt à partir au premier ordre qu'on attendait du Roi, je ne saurais vous cacher que j'en ai quelque inquiétude, étant très persuadé qu'il sera instruit de faire tout ce qui sera humainement possible, pour soutenir le chancelier Bestushew, et remettre sur l'eau le parti anglais, à quelle fin on ne laissera point manquer de quoi donner du poids à ses négociations et à ses intrigues. Cela revient justement à ce que je vous ai communiqué du discours que le lord Carteret a tenu au comte de Finckenstein; et comme ledit lord a menacé hautement alors qu'il n'y avait qu'à faire sauter deux têtes en Russie, pour y rétablir le système au gré de l'Angleterre, vous ne manquerez pas d'en faire les insinuations nécessaires aux sieurs Lestocq et Brummer. Quant à vous, je crois que, s'il est possible de réussir à éloigner le vice-chancelier Bestushew, il faut absolument que vous fassiez votre coup avant l'arrivée du nouvel ambassadeur anglais, duquel autrement l'arrivée rendra vos desseins, sinon infructueux, du moins infiniment plus difficiles et plus coûteux.

Je ne saurais revenir de ma surprise de ce que l'Impératrice diffère toujours de mettre en exécution ce qu'elle a résolu de faire au sujet de la famille infortunée, quoiqu'elle sache combien loin l'affaire serait allée, si elle avait voulu mettre en œuvre une inquisition rigoureuse dans la dernière trame découverte; et peut-elle ignorer que son salut aussi bien que celui du Grand-Duc en dépend absolument, et que si longtemps qu'elle n'aura séparé cette famille, de la manière que personne ne sache ce qu'elle est devenue, elle ne sera jamais sûre de quelque révolution? C'est pour cela que vous devez encore une fois faire des insinuations adroites aux sieurs Lestocq et Brummer, et me mander alors ce que vous croyez qu'on y fera, étant certain qu'aussi longtemps que l'Impératrice n'a pas pris ses mesures sur cet article-là, on ne pourra jamais compter sur elle.

Federic.

Nach dem Concept.