2209. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.

Potsdam, 29 avril 1746.

Les dépêches que vous m'avez faites le 15 et le r8 de ce mois, m'ont été rendues à la fois. Ce que vous avez répondu au marquis d'Argenson sur l'insinuation qu'il vous a faite touchant la nécessité qu'il y aurait pour que j'acquisse tout l'ascendant que je pourrais sur le roi de Pologne, est très sensé; aussi fais-je tout ce qui est en mon pouvoir pour regagner l'amitié et la confiance de ce Prince. Vous direz cependant au marquis d'Argenson que, s'il me demandait de disposer la cour de Dresde à faire une déclaration de vigueur à celle de Vienne pour que celle-ci n'osât pas poursuivre le dessein qu'on lui attribue, à vouloir entamer le roi des Deux-Siciles, ce serait un peu outrer ses demandes; car sans toucher la prédilection qu'on connaissait au ministère de Dresde pour la cour de Vienne, celle de Dresde était actuellement en si mauvaise posture que, quand même elle hasarderait une pareille déclaration à la cour de Vienne, celle-ci ne ferait que de s'en moquer, connaissant assez que la cour de Dresde ne saurait pas y donner le poids. Si le marquis d'Argenson demande d'ailleurs de savoir ce que je crois de faire pour disposer le roi d'Angleterre à une paix raisonnable, vous devez lui dire que je n'avais jusqu'ici rien négligé pour conseiller la paix au roi d'Angleterre, et que mes ministres feraient voir en détail au marquis de Valory ce que j'avais fait là-dessus; mais comme tout ceci n'avait guère fait impression sur le roi d'Angleterre, j'étais assez en peine de ce que je devais faire à présent, n'ayant point envie de faire des menaces vaines et n'étant d'ailleurs pas à même de forcer un accommodement; que c'était un malheur singulier que les désavantages que les Français et les Espagnols avaient eus en Italie, eussent tant rehaussé le courage des ennemis de la France, mais que ce n'était<74> nullement de ma faute, et que je ne saurais entrer dans une nouvelle guerre pour les mauvaises dispositions que les chefs commandants des troupes françaises et espagnoles avaient faites en Italie. Vous ajouterez à tout cela, quoique seulement verbalement, que je considérais la vigueur que la France mettrait dans ses opérations en Flandre comme le plus sûr et le meilleur moyen à parvenir bientôt à une paix honorable, et qu'il me paraissait d'ailleurs qu'il ne saurait guère manquer que la France ne dût détacher ou l'un ou l'autre des alliés de la reine de Hongrie, soit les Hollandais, en leur serrant le bouton par des opérations vigoureuses, soit le roi de Sardaigne, par des intrigues soutenues par des forces suffisantes à s'opposer aux progrès que les troupes autrichiennes et sardinoises ont faits jusqu'ici; que je ne saurais justement prévoir avec qui des deux la France aurait fait le premier, mais que je croyais que ce seraient les Hollandais avec qui elle viendrait le plus tôt à bout, et qu'alors le reste suivrait; qu'au reste, je priais le marquis d'Argenson de croire que jamais je n'envierais à la France et à ses alliés les avantages qu'ils pourraient avoir sur la reine de Hongrie, et que, plus ils en conquerraient des provinces, plus je m'en réjouirais.

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.