<469>

3580. AU MARQUIS DE LA CHÉTARDIE A PARIS.

Potsdam,1er avril 1749.

Monsieur. J'ai reçu votre lettre du 19 du mois dernier et j'ai vu avec surprise que vous ayez eu des sujets de croire que j'aie pu entrer pour quelque chose dans tout ce qui vous est arrivé à l'occasion de votre désastre en Russie;1 je n'en ai été mêlé, je vous assure, en aucune manière, et la cour de France ne m'a jamais consulté sur la conduite qu'elle devait tenir avec vous après cet événement. J'ai lieu d'être étonné que l'on ait voulu vous faire croire alors que j'avais pensé que vous dussiez être la victime du sacrifice et que j'eusse écrit en conformité au Roi votre maître. Les gens qui ont osé vous parler sur ce ton, vous en ont témérairement imposé et m'ont prêté des idées qui leur étaient sans doute personnelles. Cette rigueur a toujours été trop éloignée de ma façon de penser pour tout ce qui vous regarde, et du souvenir que je me plais à conserver de l'estime que je vous ai manifestée pendant votre séjour à Berlin :2 j'ai du plaisir à vous assurer que mes sentiments pour vous n'ont point changé.

Mais à parler naturellement de l'affaire qui vous intéresse et de ce que l'on vous a marqué en France, vous avez pu remarquer que la cour de Vienne a cru devoir procéder également contre le marquis de Botta, quand il s'attira le ressentiment de l'impératrice de Russie, tout comme la France a agi à votre égard. Il est malheureusement essentiel dans des circonstances si épineuses que les chefs rejettent sur les particuliers la faute des événements, et vous conviendrez vous-même que lorsqu'on se porta contre vous à Pétersbourg aux extrémités que vous avez éprouvées, il n'était pas dans l'intérêt de la cour de France de paraître le ressentir et de se brouiller hautement avec la Russie.

Soyez assuré, au reste, que j'ai remarqué avec grand plaisir la façon distinguée dont vous vous êtes comporté pendant la dernière guerre d'Italie; j'ai vu avec satisfaction que vous ayez tenu tout ce que mon attention pour vous m'en avait fait promettre, et j'ai pris aux choses qui vous ont intéressé, toute la part imaginable. Quand le marquis de Valory sera de retour auprès de moi, je me ferai un vrai plaisir de lui parler sur ce qui vous regarde, et je verrai avec-lui tout ce qui sera praticable de faire pour remplir l'espérance que vous avez dans mon appui. Je ne veux cependant pas vous dissimuler que, la cour de France m'ayant toujours paru extrêmement délicate ou jalouse, quand elle a pu soupçonner qu'on s'ingérait dans ses affaires intérieures et domestiques, je prévois qu'il faudra que ma bonne volonté pour vous soit conduite avec beaucoup de ménagement et peut-être de restrictions; comptez cependant que je verrai bien volontiers les occasions de vous obliger et de vous renouveler les assurances de mon estime.

Federic.

Nach dem Concept.



1 Vergl. Bd. III, 206. 210. 232.

2 1732—1739.