<81>Son navire est frété, prêt à sortir du port;
Un vent fâcheux l'arrête, il querelle le sort,
Il brûle de partir, et son espoir le flatte
D'acquérir les trésors de l'Inde et de l'Euphrate,
D'enrichir ses neveux dans ces climats lointains
Dont un fameux Génois découvrit les chemins.
Mais l'aquilon s'apaise, on l'appelle, il s'embarque,
On lève l'ancre, il part plus content qu'un monarque;
Il brave les dangers, il brave les saisons,
L'été n'a plus de feux, l'hiver plus de glaçons;
Plus dur dans ses travaux que ne le fut Alcide,
Il n'est plus de péril quand l'intérêt le guide.
Un nuage orageux vient obscurcir les airs,
Les flots lancés aux cieux retombent aux enfers,
Éole se déchaîne, et pousse dans sa rage
Le vaisseau démâté sur le prochain rivage,
Et sur des ais brisés, pilotes, matelots
Se sauvent à la nage, en abjurant les flots.
Notre avare maudit cet élément perfide.
A peine est-il sauvé, que l'intérêt avide,
Sans daigner lui donner le temps de se sécher,
L'entraîne en lui disant : « Debout, il faut marcher,
Méprise des dangers la terreur importune;
Les chemins épineux sont ceux de la fortune. »
Le péril qui n'est plus est bientôt oublié.
Ce malheureux avare, à l'intérêt lié,
N'hésite qu'un moment; sa funeste habitude,