<155>A du souffle d'Éole, utile à la finance,
Abondamment enflé les outres de Bertin.a
Vous parlez à votre aise de cette cruelle guerre. Sans doute les contributions que votre seigneurie de Ferney donne à la France nourrissent la constance des ministres à la prolonger. Refusez vos subsides au Très-Chrétien, et la paix s'ensuivra. Quant aux propositions de paix dont vous parlez, je les trouve si extravagantes, que je les assigne aux habitants des Petites-Maisons, qui seront dignes d'y répondre. Que dirai-je de vos ministres?
Certes, ces gens sont fous, ou ces gens sont des dieux.b Ils peuvent s'attendre de ma part que je me défendrai en désespéré; le hasard décidera du reste.c
De cette affreuse tragédie
Vous jugez en repos parmi les spectateurs,
Et sifflez en secret la pièce et les acteurs;
Mais de vos beaux esprits la cervelle étourdie
En a joué la parodie.
Vous imitez les rois, car vos fameux auteurs
De se persécuter ont tous la maladie;
Nos funestes débats font répandre des pleurs.
Quand vos poétiques fureurs
Au public né moqueur donnent la comédie.
Si Minerve de nos exploits
Et des vôtres un jour faisait un juste choix,
Elle préférerait, et j'ose le prédire,
a Henri - Léonard Bertin, contrôleur général et ministre d'État en France depuis le 21 novembre 1759 jusque vers la fin de décembre 1763.
b Ce vers est de Voltaire, Épître à Algarotti, 1735. Voyez Œuvres de Voltaire, édition Beuchot, t. XIII, p. 118. L'édition des Œuvres posthumes de Frédéric II, 1788, t. VII, p. 289, porte :
Ou ces géants sont fous, ou ces géants sont dieux.
c Voyez ci-dessus, p. 64.