<122>années après leur mort; moyennant quoi la mémoire de leurs défauts et de leurs extravagances périt avec eux; les témoins de leur vie, et ceux qui pourraient déposer contre eux, ne subsistant plus, rien ne s'oppose à l'idée de sainteté qu'on veut donner au public.
Mais qu'on me pardonne cette digression. J'avoue, d'ailleurs, qu'il y a des nécessités fâcheuses où un prince ne saurait s'empêcher de rompre ses traités et ses alliances; mais il doit s'en séparer en honnête homme, en avertissant ses alliés à temps, et surtout n'en venir jamais à ces extrémités sans que le salut de ses peuples et une très-grande nécessité l'y oblige.
Je finirai ce chapitre par une seule réflexion. Qu'on remarque la fécondité dont les vices se propagent entre les mains de Machiavel. Il veut qu'un roi incrédule couronne son incrédulité de l'hypocrisie; il pense que les peuples seront plus touchés de la dévotion d'un prince que révoltés des mauvais traitements qu'ils souffriront de lui. Il y a des personnes qui sont de son sentiment; pour moi, il me semble qu'on a toujours de l'indulgence pour des erreurs de spéculation, lorsqu'elles n'entraînent point la corruption du cœur à leur suite, et que le peuple aimera plus un prince incrédule, mais honnête homme et qui fait leur bonheur, qu'un orthodoxe scélérat et malfaisant. Ce ne sont pas les pensées des princes, ce sont leurs actions qui rendent les hommes heureux.