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479. A VOLTAIRE.

(Potsdam) 10 décembre 1773.a

Il était bien juste qu'un pays qui avait produit un Copernic ne croupît pas plus longtemps dans la barbarie en tout genre où la tyrannie des puissants l'avait plongé. Cette tyrannie allait si loin, que les grands, pour mieux exercer leurs caprices, avaient détruit toutes les écoles, croyant les ignorants plus faciles à opprimer qu'un peuple instruit.

On ne peut comparer les provinces polonaises à aucun État de l'Europe; elles ne peuvent entrer en parallèle qu'avec le Canada. Il faudra par conséquent de l'ouvrage et du temps pour leur faire regagner ce que leur mauvaise administration a négligé pendant tant de siècles.

Vos vœux ont été exaucés : les Turcs ont été battus par les Russes, Silistria prise, et le vizir fugitif du côté d'Andrinople. Mustapha apprendra à trembler dans son sérail, et peut-être que ses malheurs le rendront plus souple à signer une paix que les conjonctures rendent nécessaire. Si les armes victorieuses des Russes pénètrent jusqu'à Stamboul, je prierai l'Impératrice de vous envoyer la plus jolie Circassienne du sérail, escortée par un eunuque noir, qui la conduira droit au sérail de Ferney. Sur ce beau corps vous pourrez faire quelque expérience de physique, en animant par le feu de Prométhée quelque embryon qui héritera de votre beau génie.

Madame la landgrave de Darmstadtb est de retour de Pétersbourg. Elle ne tarit point sur les éloges de l'Impératrice et des choses utiles qu'elle a exécutées, et des grands projets qu'elle médite encore. Diderot et Grimm y passeront l'hiver. Cette cour réunit le faste, la


a Le 11 décembre 1773. (Variante des Œuvres posthumes, t. IX, p. 211.)

b Voyez t. XX, p. 205.