<4> travailler lui-même avec les ministres qui étaient à la tête de ces quatre départements : son ardeur s'éteignit au bout de huit jours de travail, et la France fut gouvernée par quatre rois subalternes, indépendants les uns des autres.
Ce gouvernement mixte produisit des détails de département; mais les vues générales qui réunissent et embrassent en grand le bien de l'État et son intérêt, manquèrent dans les conseils. Pour se faire une idée du choix des ministres, qu'on se représente un chancelier du duc d'Orléans, rempli de Cujas et de Bartole, qui devient ministre de la guerre dans ces temps où toute l'Europe était en feu, et un ancien capitaine de dragons, nommé Orry, qu'on met à la tête des finances. Maurepas s'imaginait rendre Louis XV souverain des mers, et le Roi le serait devenu, si les discours d'un homme aimable avaient pu opérer ce miracle. Amelot était de ces esprits rétrécis qui, comme les yeux myopes, distinguent à peine les objets de près. Cet aréopage gouverna donc la France; c'était proprement une aristocratie qui, naviguant sans boussole sur une mer orageuse, ne suivait pour système que l'impulsion des vents.
Les armées ne prospérèrent pas sous cette nouvelle administration. Quoique l'armée de Maillebois joint aux Bavarois, fut encore sur les frontières de l'Autriche, le prince de Lobkowitz avec seize mille Hongrois tenait toujours le maréchal de Belle-Isle bloqué dans Prague avec seize mille Français. Le corps de M. de Belle-Isle était presque tout composé d'infanterie, et celui des Autrichiens, de cavalerie. Cette situation inquiétait M. d'Argenson : soit par impatience, soit par humeur, soit par légèreté, ce robin fit expédier au maréchal de Belle-Isle l'ordre d'évacuer Prague. Cet ordre était plus facile à donner qu'à exécuter. Le maréchal de Belle-Isle fit ses dispositions en conséquence : il fit sortir la garnison le 18 de décembre au soir, par un froid très-perçant; il gagna trois marches sur le prince Lobkowitz, et, enfilant un chemin difficile qui donnait peu de prise à