<67>Tabor, Budweis et Frauenberg se rendirent presque sans se défendre au général Nassau. L'armée arriva le 26 à Tabor, où les colonnes se rejoignirent; mais Posadowsky n'amena que la moitié de ses caissons, c'est-à-dire pour quinze jours de farine; les chevaux et les bœufs de cet attirail avaient été négligés au point que la moitié en étaient crevés de misère, sans cependant qu'on eût vu d'ennemi pendant toute la marche. Ce fut là le principe de tous les malheurs qui arrivèrent depuis. A peine l'armée était-elle à deux marches de Prague, que M. de Batthyani envoya un détachement de quelques milliers de Croates et de hussards à Béraun et à Königssaal; cette dernière ville est située au confluent de la Béraun dans la Moldau, à deux milles au-dessus de Prague. Ces troupes légères infestèrent tellement les avenues, qu'elles interceptèrent toutes les livraisons que le plat pays devait faire, et que, les communications étant coupées, l'armée prussienne fut quatre semaines sans recevoir de nouvelles ni de Prague, ni de ce qui se passait dans le reste de l'Europe. On enleva deux malles destinées pour le Roi, de sorte qu'il ignorait non seulement la marche des Saxons, mais encore où pouvait être l'armée du prince de Lorraine.
Il doit paraître étrange qu'une armée aussi forte que la prussienne, n'ait pu tenir le plat pays en respect; le contraindre aux livraisons nécessaires; se procurer des subsistances; et avoir des espions en abondance pour être informée du moindre mouvement des ennemis : mais il faut savoir qu'en Bohême la grande noblesse, les prêtres et les baillis sont très-affectionnés à la maison d'Autriche; que la différence de religion causait une aversion invincible à ce peuple aussi stupide que superstitieux; et que la cour avait ordonné aux paysans, qui tous sont serfs, d'abandonner leurs chaumières à l'approche des Prussiens, d'enfouir leurs blés sous terre, et de se réfugier dans les forêts voisines, leur ajoutant la promesse de leur bonifier tout le dommage