<70> troupes. Le projet de prendre des quartiers d'hiver entre Tabor, Neuhaus, Budweis et Frauenberg était mal conçu : il n'y avait de là à Prague aucune ville qui eût seulement des murailles, ni par conséquent dont on pouvait se servir pour établir la communication avec la capitale. La Moldau était partout guéable, et couverte, à sa rive gauche, de forêts impénétrables, dont des troupes légères pouvaient tirer parti pour harceler sans cesse les quartiers des Prussiens. Si cependant les vivres n'eussent pas manqué, le Roi aurait pu se soutenir entre la Sasawa et la Luschnitz; mais le défaut de vivres est le plus fort argument à la guerre, et le danger de perdre Prague s'y joignant, l'armée prussienne fut obligée de rétrograder.
On était encore irrésolu si l'on abandonnerait ou conserverait les postes de Tabor et de Budweis, en s'en éloignant entièrement avec l'armée. On avait sans doute à craindre que l'ennemi ne forçât ces villes; d'autre part, il fallait considérer qu'on avait été obligé de laisser à Tabor trois cents malades ou blessés qu'on n'avait pu transporter, faute de voitures : on ne voulait pas abandonner ces braves gens; on résolut donc de laisser garnison dans ces deux endroits, dans l'espérance que si Ton en venait à une bataille avec les Autrichiens, comme cela paraissait probable après leur jonction avec les Saxons, les ennemis battus trouveraient ces postes sur leur chemin, et seraient contraints de se rejeter vers Pilsen. Ce raisonnement était entièrement faux; car, dans un cas pressant, il vaut mieux perdre trois cents malades que de hasarder quelques milliers d'hommes dans des villes où ils ne peuvent se défendre. Au contraire, si l'on se proposait de se battre, il fallait rassembler toutes les forces que l'on avait, pour être mieux en état de battre l'ennemi, et ces deux misérables trous ne pouvaient pas empêcher le prince de Lorraine de faire sa retraite comme il le jugerait à propos. Mais, disait-on, le maréchal de Seckendorff était déjà arrivé en Bavière; il avait rejeté Bärenklau en Autriche; il avait nettoyé d'ennemis tout cet électorat,