<78> critique, le 18, arriva enfin, et ne produisit de la part de l'ennemi que beaucoup de marches et de contre-marches; le 19 parut plus décisif. On entendit dès les cinq heures du matin des décharges du gros canon et un feu d'infanterie assez vif. Le Roi envoya de tous côtés pour savoir l'endroit où l'on tirait; tout le monde était dans la prévention que c'était quelque nouvelle tentative de l'ennemi sur Kolin. Les coups qu'on entendait, se tiraient à la droite de l'armée, et comme le général Nassau s'était attendu à quelque entreprise du prince de Lorraine sur son poste, et qu'on ne recevait point d'autre nouvelle, on ajouta trop légèrement foi à ces apparences. On demeura dans cette incertitude jusqu'à midi, qu'un officier de hussards fit au Roi le rapport, que pendant la nuit les troupes de la Reine avaient fait des ponts auprès de Selmitz; que la négligence des patrouilles avait été cause qu'on ne s'en était aperçu qu'à la pointe du jour; que le lieutenant-colonel de Wedell,a dont le bataillon se trouvait le plus proche, y était marché; que malgré le feu de cinquante canons, il avait repoussé trois fois les grenadiers autrichiens; que pendant cinq heures il avait disputé ce passage au prince de Lorraine; que les hussards qu'il avait envoyés à l'armée pour l'avertir de sa situation, ayant été tués en chemin par des uhlans qui s'étaient glissés dans les bois voisins, faute de secours il s'était retiré en bon ordre par la forêt de Wischenjowitz pour rejoindre l'armée.
Ce passage de l'Elbe était fâcheux, que les hussards en fussent cause par leur négligence ou non. Cette entreprise décidait de toute la campagne. Le temps employé à se plaindre du destin aurait été perdu; on ne songea qu'à remédier au mal autant que les circonstances le permettaient. L'armée reçut d'abord ordre de se rassembler
a George-Vivigenz de Wedell, né en 1710 à Malchow dans la Marche-Ukraine, fut tué à la bataille de Soor. Dans son Épître à Stille, sur l'emploi du courage, et sur le vrai point d'honneur, le Roi a dit :
O Wedell, notre Achille, et vous Goltz, notre Ulysse,
A vos bras généreux nous devons nos succès, etc.