<9> cette nation; un sujet de l'Impératrice était considéré en Suède comme un sénateur romain du temps de César pouvait l'être dans les Gaules.
Une nation malheureuse ne manque jamais d'ennemis. Les Danois voulurent profiter des calamités de la Suède. La diète de Stockholm était assemblée pour ratifier la paix qui venait de se conclure avec la Russie, et pour nommer un successeur au trône; le roi de Danemark, dans le dessein d'unir les trois couronnes de la Suède, du Danemark et de la Norwége sur la tête de son fils le prince royal, excita une rébellion dans la Carélie, souleva des prêtres, corrompit quelques bourgeois; mais il trouva tant de difficultés dans l'exécution de son plan, que ce plan avorta avant sa naissance. Les troupes danoises et suédoises s'assemblaient déjà sur les frontières; la diète de Stockholm s'empressait à trouver des secours : elle demanda les bons offices du roi de Prusse pour moyenner un accommodement avec ses voisins. Le Roi s'intéressa pour eux, et le roi de Danemark lui répondit qu'eu égard à ses exhortations, il ne précipiterait pas les choses. Mais ce qui paraîtra presque incroyable, c'est que ces mêmes Suédois qui venaient de faire une paix si déshonorante avec la Russie, implorèrent la protection de l'Impératrice contre les Danois. Élisabeth la leur accorda, et elle fit partir le général Keith sur des galères qui portaient dix mille hommes de secours. Ce fut alors qu'à la faveur de ces troupes le prince de Holstein, évêque de Lübeck, fut élu, au lieu du prince danois, successeur du vieux roi de Suède, landgrave de Hesse. Ainsi, à peu près dans le cours de la même année, la Suède fut battue, protégée, et enfin donnée au prince de Holstein par l'impératrice de Russie. Le sénat de Stockholm se consola de tant d'infortunes par des cruautés : il fit périr les généraux de Buddenbrock et de Lewenhaupt sur l'échafaud. On les accusa de trahisons et de perfidies, mais rien ne fut prouvé : ils n'étaient coupables que par ignorance et par trop de faiblesse.