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CLXXXIII.

Tobias Stusche, abbé du couvent des Cisterciens de Camenz, avait noué avec Frédéric II, peu après la première guerre de Silésie, des relations qui devinrent plus intimes après l'entrevue personnelle qu'il eut avec le roi, en mai 1745, durant la seconde guerre de Silésie, lorsque le quartier-général de Frédéric fut installé à Camenz. C'est au mois d'août de la même année que le roi aurait eu l'aventure bien connue, mais du reste purement légendaire, que voici: des Croates ayant pénétré dans l'église du couvent, à la recherche du roi de Prusse, il ne leur aurait échappé qu'en revêtant à la hâte le froc d'un moine, et en se mettant à chanter au lutrin, à la messe de l'abbé.

Le portrait de l'abbé, ainsi que le cadre orné des armes épiscopales, a tout l'air d'avoir été copié sur un portrait du temps. Il montre le visage fin, spirituel et avenant de cet homme d'Eglise aimable, patriote et dévoué à son roi; le buste est enveloppé dans les plis sombres et soyeux d'une robe ecclésiastique. Les tours du monastère de Camenz apparaissent dans le lointain.

CLXXXIV.

Frédéric II tint plus de quatre ans, en réserve, son ouvrage sur les „Principes généraux de la guerre appliqués à la tactique et à la discipline des troupes“ ; il ne le communiqua qu'à son frère, le prince Henri de Prusse, auquel il est dédié. Il ne voulait le remettre à personne, de peur d'une indiscrétion, ainsi qu'il le dit dans un Testament politique écrit en 1752. Lorsque la guerre parut imminente (guerre de Sept ans), le roi en fit faire une traduction allemande, qu'il distribua à ses généraux, auxquels, dans une préface écrite à la main et datée du 23 janvier 1753, il recommande de garder le plus profond secret à l'égard de ce livre. Il n'y eut pas d'indiscrétion commise; mais, le général prussien de Czettritz ayant été fait prisonnier en 1760 près de Cossdorf, son exemplaire tomba par la même occasion entre les mains des Autrichiens, qui le publièrent l'année suivante.

La composition de Menzel représente la scène de la remise de cet ouvrage par le roi lui-même aux généraux de son armée, réunis autour de lui. En remettant le rouleau de papier au général qui est près de lui, Frédéric lève l'autre main d'un geste qui enjoint l'obéissance et la discrétion.