<108> Il aimait plus la gloire que la guerre; il faisait des campagnes par grandeur; il assiégeait des villes, mais il évitait les batailles. Il assista à cette campagne fameuse dans laquelle ses généraux enlevèrent toutes les places de Flandre aux Espagnols; à la belle expédition par laquelle Condé assujettit la Franche-Comté, en moins de trois semaines, à la France; il encouragea ses troupes par sa présence, lorsqu'elles passèrent le Rhin au fameux gué du Tolhuys, action que l'idolâtrie des courtisans et l'enthousiasme des poëtes fit passer pour miraculeuse. L'autre, n'ayant qu'à peine des troupes, et manquant de généraux habiles, suppléa lui seul par son puissant génie aux secours qui lui manquaient : il formait ses projets et les exécutait; s'il pensait en général, il combattait en soldat; et par rapport aux conjonctures où il se trouvait, il regardait la guerre comme sa profession. Au passage du Rhin j'oppose la bataille de Varsovie, qui dura trois jours, et dans laquelle le Grand Électeur fut un des principaux instruments de la victoire. A la conquête de la Franche-Comté j'oppose la surprise de Rathenow, et la bataille de Fehrbellin, où notre héros, à la tête de cinq mille cavaliers, défit les Suédois, et les chassa au delà de ses frontières; et, si ce fait ne paraît pas assez merveilleux, j'y ajoute l'expédition de Prusse, où son armée vola sur une mer glacée, fit quarante milles en huit jours, et où le nom seul de ce grand prince chassa, pour ainsi dire, sans combattre, les Suédois de toute la Prusse.

Les actions du Monarque nous éblouissent par la magnificence qu'il y étale, par le nombre de troupes qui concourent à sa gloire, par la supériorité qu'il acquiert sur tous les autres rois, et par l'importance des objets, intéressants pour toute l'Europe : celles du Héros sont d'autant plus admirables, que son courage et son génie y font tout, qu'avec peu de moyens il exécute les entreprises les plus difficiles, et que les ressources de son esprit se multiplient à mesure que les obstacles augmentent.

Les prospérités de Louis XIV ne se soutinrent que pendant la vie