<110>Louis XIV mérita l'immortalité pour avoir protégé les arts : la mémoire de l'Électeur sera chère à ses derniers neveux, parce qu'il ne désespéra point de sa patrie. Les sciences doivent des statues à l'un, dont la protection libérale servit à éclairer le monde : l'humanité doit des autels à l'autre, dont la magnanimité repeupla la terre.

Mais le Roi chassa les réformés de son royaume, et l'Électeur les recueillit dans ses États. Sur cet article, le prince superstitieux et dur est bien inférieur au prince tolérant et charitable; la politique et l'humanité s'accordent à donner sur ce point une préférence entière aux vertus de l'Électeur.

En fait de galanterie, de politesse, de générosité, de magnificence, la somptuosité française l'emporte sur la frugalité allemande; Louis XIV avait autant d'avance sur Frédéric-Guillaume, que Lucullus en avait sur Mithridate.

L'un donna des subsides en foulant ses peuples : l'autre les reçut en soulageant les siens. En France, Samuel Bernard fit banqueroute pour sauver le crédit de la couronne :a dans la Marche, la banque des états paya, malgré l'irruption des Suédois, le pillage des Autrichiens et le fléau de la peste.

Tous deux firent des traités et les rompirent, l'un par ambition, l'autre par nécessité : les princes puissants éludent l'esclavage de leur parole par une volonté libre et indépendante; les princes qui ont peu de forces manquent à leurs engagements, parce qu'ils sont souvent obligés de céder aux conjonctures.

Le Monarque se laissa gouverner vers la fin de son règne par sa maîtresse, et le Héros, par son épouse : l'amour-propre du genre hu-


a Le banquier Samuel Bernard laissa à sa mort, arrivée en 1739, la somme de trente-trois millions de livres. Il n'est rapporté nulle part qu'il ait fait banqueroute; mais, dans les embarras financiers amenés par la guerre de succession, flatté et touché à la fois de l'affabilité du Roi à son égard, il donna de plus grandes sommes que ne lui en avait demandées le ministre des finances Desmarest. Il dit à cette occasion « qu'il aimait mieux risquer sa ruine, que de laisser un tel monarque dans l'embarras. »