<166> épousé la nièce du Czar, pour s'assurer d'une puissante protection, cela n'empêcha pas l'Empereur, poussé par Bernstorff, de donner un décret de commission à l'électeur de Hanovre et au duc de Brunswic, pour prendre ce pays en séquestre. Le roi de Prusse se plaignit à Vienne de ce qu'étant directeur du cercle de la Basse-Saxe, ce décret ne lui avait point été adressé. L'Empereur lui répondit : qu'il était contre les lois de l'Empire de charger le Roi de ce séquestre, à cause qu'il avait l'expectative sur le Mecklenbourg; sur quoi le Czar déclara qu'il ne souffrirait jamais qu'on opprimât un prince qui venait d'entrer dans sa famille. Ce qui arrêta le plus Frédéric-Guillaume dans cette affaire, c'est que le roi d'Angleterre ayant eu l'adresse de se faire médiateur de la paix que la Prusse négociait en Suède, devait alors être traité avec beaucoup de ménagement, de sorte que les Hanovriens restèrent en possession du séquestre, dont ils font monter les frais à quelques millions. Cette affaire est demeurée en ces termes, et elle y est encore au temps que nous écrivons cette histoire.

Quoique la paix ne fût pas conclue avec la Suède, elle était autant que faite. Le Roi qui voyait la tranquillité de ses États assurée, commença dès lors véritablement à régner, c'est-à-dire à faire le bonheur de ses peuples. Ce prince haïssait ces génies remuants qui communiquent leurs passions tumultueuses dans toutes les régions où l'intrigue peut pénétrer. Il n'aspirait point à la réputation de ces conquérants qui n'ont d'autre amour que celui de la gloire, mais bien à celle des législateurs qui n'ont d'autre objet que le bien et la vertu : il pensait que le courage d'esprit, si nécessaire pour réformer des abus et pour introduire des nouveautés utiles dans un gouvernement, était préférable à cette valeur de tempérament qui fait affronter les plus grands dangers, sans crainte à la vérité, mais souvent aussi sans connaissance. Les traces que la sagesse de son gouvernement a laissées dans l'État, dureront autant que la Prusse subsistera en corps de nation.