<167>Frédéric-Guillaume établit alors véritablement son système militaire, et le lia si étroitement avec le reste du gouvernement, qu'on ne pouvait y toucher sans hasarder de bouleverser l'État même. Pour juger de la sagesse de ce système, peut-être qu'il ne sera pas inutile d'entrer ici dans quelque discussion sur cette matière.

Dès le règne de Frédéric Ier, il s'était glissé quantité d'abus touchant les taxes, qui étaient devenues arbitraires; les cris de tout l'État en demandaient la réforme. Lorsque cette matière fut examinée, il se trouva qu'il n'y avait aucun principe selon lequel les possesseurs des terres fussent taxés de payer les contributions; que dans quelques endroits on avait conservé les impôts sur le pied où ils étaient avant la guerre de trente ans; mais que tous les propriétaires des terres défrichées depuis ce temps, dont le nombre était considérable, étaient taxés différemment. Afin de rendre ces impôts proportionnels, le Roi fit exactement mesurer tous les champs cultivables, et rétablit l'égalité des contributions selon les différentes classes de bonnes et de mauvaises terres; et comme le prix des denrées était de beaucoup haussé depuis la régence du Grand Électeur, il haussa de même les impôts à proportion de ce prix; ce qui augmenta considérablement ses revenus.

Mais afin de répandre d'une main ce qu'il recevait de l'autre, il créa quelques régiments d'infanterie nouveaux, et augmenta sa cavalerie, de sorte que l'armée montait à soixante mille hommes; et il distribua ces troupes dans toutes ses provinces, de sorte que l'argent qu'elles payaient à l'État, leur retournait sans cesse par le moyen des troupes; et, afin que le paysan ne fût point chargé par l'entretien des soldats, toute l'armée, tant cavalerie qu'infanterie, entra dans les villes. Par ce moyen, les accises augmentaient les revenus, la discipline s'affermissait dans les troupes, les denrées haussaient de prix, et nos laines, que nous vendions aux étrangers et que nous rachetions lorsqu'ils les avaient travaillées, ne sortirent plus du pays. Toute l'armée fut habillée de neuf régulièrement tous les ans, et Berlin se