<172> en balançant le crédit du papier par le réel de l'argent, pour attirer peu à peu les espèces dans les coffres du souverain.

L'arrêt du 2 août 1719a porte défense aux particuliers, sous les plus fortes peines, de garder chez eux en argent au delà de cinq cents livres. Aux premières actions en succédèrent de nouvelles, qu'on nomma les filles; enfin ces filles enfantèrent des petites-filles; et le papier créé par ce système monta à trois milliards septante millions. Toutes les dettes de l'État furent acquittées par des billets timbrés à un certain coin. Les fondements de cet édifice n'avaient été faits au commencement que pour une certaine proportion : on voulut la porter au double et au quadruple; il s'écroula bientôt, bouleversa le royaume, et renversa en même temps l'architecte qui l'avait construit. Law pensa plus d'une fois être lapidé par le peuple, lorsque son papier tomba en décadence. Il quitta enfin le royaume, abandonnant la charge de contrôleur général des finances, dont il avait été revêtu au commencement de l'année, et les grands établissements qu'il avait dans ce royaume. Law n'était pas riche lorsqu'il vint en France : il en repartit de même, et se réfugia à Venise, où il finit ses jours dans l'indigence.

Il y a peu d'histoires qui, dans un aussi court espace, représentent autant d'ambitieux humiliés : les fortunes rapides de Görtz, d'Alberoni, de Law, se précipitèrent aussi subitement qu'elles s'étaient élevées; mais l'ambition n'est pas capable de conseil, elle s'égare en suivant un chemin bordé de précipices.

Après les chutes d'Alberoni et de Görtz, le sud et le nord de l'Europe respirèrent également. La paix que le Roi négociait à Stockholm, fut enfin conclue. Sa modération diminua ses avantages. D'Ilgen ne cessait de lui représenter, selon l'usage des ministres, qu'il devait profiter de ses avantages, et qu'en se roidissant encore, la Suède serait contrainte de lui céder l'île de Rügen et la ville de


a Cet arrêt ne date pas du 2 août 1719, mais bien du 27 février 1720.