<196>Les premiers progrès des Russes contre les Turcs réveillèrent l'ambition des Autrichiens. On persuada à l'Empereur que c'était le moment d'attaquer les Turcs par la Hongrie; que si les Moscovites les pressaient en même temps du côté de la mer Noire, c'en serait fait de l'empire ottoman. On fit même courir des prophéties qui annonçaient que la période fatale au croissant était arrivée. La superstition agit à son tour : le confesseur de Charles VI lui représentait que c'était le devoir d'un prince catholique d'extirper l'ennemi du nom chrétien. Toutes ces insinuations différentes ne partaient effectivement que de l'Impératrice, de Bartenstein, de Seckendorff, et du prince de Hildbourghausen, qui, s'étant liés ensemble, faisaient jouer secrètement tous ces ressorts; et des haines et des intrigues de cour firent résoudre cette guerre sans raison valable, dans laquelle l'Empereur fut en quelque façon étonné de se voir engagé.

Le grand-duc de Toscane, ci-devant duc de Lorraine, fut créé généralissime des armées impériales. Seckendorff commanda sous lui, ou, pour mieux dire, Seckendorff commanda en chef. Au commencement de la campagne, les Impériaux prirent Nissa; ce fut où se borna leur fortune. Le prince de Hildbourghausen se fit battre avec un détachement qu'il commandait à Banjaluka. Khevenhüller leva le siége de Widdin, et fut vivement pressé par les Turcs, qui passèrent le Timoc, et donnèrent sur son arrière-garde. Le Dost-Pascha reprit Nissa, et l'Empereur fit trancher la tête à Doxat, qui avait rendu cette place sans faire assez de résistance.

Vers la fin de cette année mourut la reine d'Angleterre, qui avait joui d'une espèce de réputation, due à la bonté dont elle honorait les savants.

La campagne suivante fut malheureuse pour les Moscovites et pour les Autrichiens. Münnich entreprit vainement de pénétrer, du côté de Bender, dans la Bessarabie. Ce pays avait été ruiné par les Tartares; et il n'osa s'y enfoncer sans craindre pour ses troupes les