<87> détournés, la nuit d'après, aux portes de Rathenow. Il fit avertir de son arrivée le baron de Briest,22 qui était dans cette ville, et concerta avec lui en secret les moyens de surprendre les Suédois.

Briest s'acquitta habilement de sa commission : il donna un grand souper aux officiers du régiment de Wangelin, qui étaient en garnison à Rathenow;a les Suédois s'y livrèrent sans retenue aux charmes de la boisson; et, pendant qu'ils cuvaient leur vin, l'Électeur fit passer la Havel sur différents bateaux à des détachements d'infanterie, pour assaillir la ville de tous les côtés. Le général Derfflinger, se disant commandant d'un parti suédois poursuivi par les Brandebourgeois, entra le premier dans Rathenow. Il fit égorger les gardes, et en même temps toutes les portes furent forcées; la cavalerie nettoya les rues, et les officiers suédois eurent de la peine à se persuader à leur réveil, qu'ils étaient prisonniers d'un prince qu'ils croyaient encore avec ses troupes dans le fond de la Franconie. Si dans ces temps les postes avaient été établies comme à présent, cette surprise aurait presque été impossible; mais c'est le propre des grands hommes de mettre à profit jusqu'aux moindres avantages.

L'Électeur, qui savait de quel prix sont les moments à la guerre, n'attendit point à Rathenow que toute son infanterie l'eût joint : il marcha avec sa cavalerie droit à Nauen, afin de séparer le corps des Suédois qui était auprès de Brandebourg, de celui qui était auprès de Havelberg. Quelque diligence qu'il fît dans cette conjoncture décisive, il ne put point prévenir les Suédois, qui avaient quitté Brandebourg au bruit de son approche, et s'étaient retirés par Nauen une heure avant qu'il arrivât. Il les suivit avec vivacité; et il apprit par la dépo-


22 Il était conseiller de province, et très-attaché à l'Électeur.

a Le récit de celte orgie de la soirée du 14 (24, nouv. style) juin, ne repose sur aucun fondement, au moins à l'égard de Briest, car il se trouvait ce jour-là même au quartier général du Grand Électeur, à Hohenseeden, entre Bourg et Genthin, donnant sur l'insouciance des Suédois des renseignements qui décidèrent l'Électeur à marcher aussitôt sur Rathenow. Il parut en effet devant cette ville le 15 (25, nouv. style), un peu après deux heures du matin.