<119>C'est pourquoi la nature sage
Aux êtres, par un juste choix,
De dons divers fit le partage;
L'instinct, qui leur prescrit des lois,
Astreint chacun à son usage.
Une agréable et tendre voix
Échut à ces chantres des bois
Qui nous charment par leur ramage;
L'aigle, le vautour dévorant,
Armés d'un cœur plein de courage,
De serres et d'un bec tranchant,
Des airs apercevant leur proie,
Poussent des cris aigus de joie,
Et la déchirent en volant.
Le sort de notre faible espèce
Est, n'en déplaise à ta sagesse,
Comme celui des animaux;
Chacun reçut dès sa jeunesse
Certains talents, certains défauts.
L'homme, que la raison éclaire
Sait se limiter dans sa sphère,
Ou, s'il en sort mal à propos,
Il devient le jouet des sots.
Hercule, dont la main fatale
Acheva tant de grands travaux,
Lorsqu'il filait aux pieds d'Omphale,
Mettait en pièces ses fuseaux.a
Moi, qu'un aveugle destin guide


a Boileau, dit dans le

Lutrin

, chant V, vers 20 :

Tel Hercule filant rompait tous les fuseaux.