<68>Si d'un œil amoureux le lubrique regard
Ne l'eût dans ses transports fait convoiter au Czar,
A son destin obscur à jamais condamnée,
Le pope dans Moscou ne l'eût pas couronnée.
Mais consultons sans choix les fastes de l'amour :
Entre mille beautés qui brillaient à sa cour,
Pour remplacer trois sœurs qui furent ses maîtresses,a
Louis n'adressa point ses vœux à des duchesses;
L'indigne rejeton d'un financier proscrit
Devint l'heureux objet dont son cœur se nourrit;
Toujours plus amoureux, et resserrant ses chaînes,
En ses mains de l'État Louis remit les rênes.
Ce d'Amboise en fontangeb est l'Atlas des Français,
A son bureau se vend et la guerre et la paix;
Pompadour ne fait point filer le fils d'Alcmène,
C'est l'indolent Bourbon que l'habitude enchaîne,
Et ces charmes divins, que nous n'aurions connus
Qu'en quelque temple obscur, sous les lois de Vénus,
Décident à présent des destins de l'Europe.
Dites-moi quel devin habile en horoscope,
En consultant les cieux et son astre en naissant,
Pouvait lui présager ce destin florissant.
Élevée en exil depuis sa tendre enfance,
De son ambition l'orgueilleuse espérance
N'avait osé former des vœux aussi hardis;
D'Étiole en l'épousant la mit en paradis.
Nous, que l'expérience instruisit dans les brigues,


a Louise-Julie comtesse de Mailli-Nesle, et ses trois sœurs cadettes, mesdames de Vintimille, de Lauraguais et de Châteauroux furent successivement les maîtresses de Louis XV.

b Le cardinal d'Amboise était premier ministre d'État sous Louis XII. C'est à lui que le Roi fait allusion en donnant ici à la marquise de Pompadour le nom d'Amboise en fontange. Voyez t. IX, p. 263.