<69>Qui connaissons les cours et leurs sourdes intrigues,
L'artifice commun à tous les courtisans
Qui, pour mieux supplanter des rivaux tout-puissants,
Flattent des souverains les passions secrètes,
Les charment au moyen d'aimables marionnettes
Dont ils font avec art jouer tous les ressorts,
Et, maîtres de leurs cœurs, en règlent les transports,
Nous voyons l'intérêt, les ruses, les adresses,
Qui font naître ou baisser le crédit des maîtresses,
Et dans ce vil emploi qui dégrade les grands,
Ils semblent tour à tour esclaves ou tyrans.
Parmi ces demi-dieux, entre ces personnages
Que la faveur créa, l'Europe a vu des pages,
Des brigands de finance arbitres des humains,
Des reclus tonsurés devenus souverains,
Et des greffiers poudreux en France connétables.
Ces exemples récents, ma sœur, sont innombrables;
L'occasion sert mieux que ne font les projets.
Mais pour en revenir à de plus grands objets,
Abandonnons des cours l'habitant idolâtre;
La guerre me fournit un plus vaste théâtre.
C'est là que la fortune étale avec orgueil
Et son mépris bizarre, et son flatteur accueil.
Parmi tant de guerriers dont le nombre l'assiége,
Ses dons sont prodigués à ceux qu'elle protége;
Elle embellit leurs traits de brillantes couleurs,
Et noircit les talents de leurs compétiteurs.
Dans la noble carrière où le héros s'élance,
Son génie au hasard dispute l'influence;
Mais il épuise en vain ses soins et ses efforts,
Il dépend malgré lui des plus faibles ressorts.