<147>J'aimerais mieux le beau secret de prendre
Un jeune cœur enclin à se défendre,
Surtout lui plaire, et par mon entretien
Faire passer un amour des plus tendres
Tout doucement de mon cœur dans le sien.
A mon avis cet art est difficile,
Et je le crois tout au moins plus utile
Que les travaux de messieurs les guerriers,
Couverts de fange et chargés de lauriers.
Quel triste jeu de briser des murailles,
Vieux monuments d'un nombre d'ouvriers,
Loin de livrer de sanglantes batailles
Où l'on ne voit que morts et funérailles!
Que si j'étais auprès de nos foyers,
A l'ombre heureux d'un bosquet d'oliviers,
Je l'avouerai, j'aurais plutôt envie
De m'occuper à procurer la vie,
En retirant des cachots du néant
De l'univers un futur habitant.
S'il se pouvait que celle que j'adore,
Mettant le comble à ma félicité,
De son beau sein quelque jour fît éclore
Ce rejeton de sa fécondité,
Cette action ajouterait encore
A ses vertus, qu'on ne peut trop priser,
En lui donnant, soit dit sans métaphore,
Le vrai moyen de s'immortaliser.
Le dieu d'hymen autorise ces gages;
Le bien de voir croître et multiplier
N'est point celui des cœurs durs et sauvages,
Des Iroquois ou des anthropophages;