<432>MÉTELLUS.

Si j'osais t'ouvrir mon cœur, je te dirais bien des choses que j'ai dissimulées jusqu'à présent.

SYLLA.

Parle en liberté.

MÉTELLUS.

Tu sais avec quelle fidélité je me suis de tout temps attaché à ta personne; tu sais que pendant les guerres civiles je n'ai jamais hésité qui je suivrais, que je t'ai prêté mon bras contre Cinna, contre Marius, contre Mithridate et contre tous ceux que j'ai crus ennemis de la république. Je l'ai fait parce que je suis Romain, et que je n'ai connu que toi capable de réprimer des citoyens puissants qui abusaient de leur pouvoir, de vaincre les ennemis de la république, et de rétablir Rome dans l'état florissant et libre. Je t'ai adoré comme un dieu, tant que je t'ai cru le vengeur et le libérateur de la patrie. Mais quoi! me serais-je trompé? Aurais-tu rendu criminel ce bras qui t'a servi, ce cœur qui t'a adoré? Que sont ces proscriptions, dont le nombre augmente tous les jours? Quel est ce pouvoir sans bornes accordé à un misérable affranchi? Quoi! un Chrysogone, un Grec, dispose dans Rome du bien et de la fortune des citoyens! Quoi! nos pères n'ont donc versé tant de sang et fait tant d'actions à jamais mémorables que pour qu'un misérable, un inconnu, avilisse et flétrisse les maisons des Scipions, des Émiles, et de tous ces héros immortels dont les mânes s'en indignent dans les champs de l'heureux Élysée! Et toi, qui as soumis et dispersé tous ces citoyens rebelles, ennemis de notre liberté, qui as pacifié le monde, après avoir achevé ton ouvrage, tu demeures revêtu de la dictature, tu opprimes notre liberté, tu t'en sers pour satisfaire des passions indignes de ton âge et de ton rang! Aurais-je combattu pour que tu proscrivisses nos plus vertueux citoyens, pour que tu ravisses l'épouse de Posthume, et pour que tu nous ramènes les temps odieux des Tarquins?