<94>de l'Allemagne par sa vertu, qui lui attira la confiance des plus grands princes. Pendant que tant de souverains portaient impatiemment le joug du despotisme que le roi de France leur imposait, le roi de Danemark et d'autres princes soumettaient leurs différends au tribunal de l'Électeur, et respectaient ses jugements équitables.

François Ier avait essayé vainement d'attirer les beaux-arts en France : Louis XIV les y fixa; sa protection fut éclatante; le goût attique et l'élégance romaine renaquirent à Paris; Uranie eut un compas d'or entre ses mains; Calliope ne se plaignit plus de la stérilité de ses lauriers; et des palais somptueux servirent d'asile aux Muses. George-Guillaume fit des efforts inutiles pour conserver l'agriculture dans son pays : la guerre de trente ans, comme un torrent ruineux, dévasta tout le nord de l'Allemagne. Frédéric-Guillaume repeupla ses États; il changea des marais en prairies, des déserts en hameaux, des ruines en villes; et l'on vit des troupeaux nombreux dans des contrées où il n'y avait auparavant que des animaux féroces. Les arts utiles sont les aînés des arts agréables; il faut donc nécessairement qu'ils les précèdent.

Louis XIV mérita l'immortalité pour avoir protégé les arts : la mémoire de l'Électeur sera chère à ses derniers neveux, parce qu'il ne désespéra point de sa patrie. Les sciences doivent des statues à l'un, dont la protection libérale servit à éclairer le monde : l'humanité doit des autels à l'autre, dont la magnanimité repeupla la terre.

Mais le Roi chassa les réformés de son royaume, et l'Électeur les recueillit dans ses États. Sur cet article, le prince superstitieux et dur est bien inférieur au prince tolérant et charitable; la politique et l'humanité s'accordent à donner sur ce point une préférence entière aux vertus de l'Électeur.

En fait de galanterie, de politesse, de générosité, de magnificence, la somptuosité française l'emporte sur la frugalité allemande; Louis XIV avait autant d'avance sur Frédéric-Guillaume, que Lucullus en avait sur Mithridate.

L'un donna des subsides en foulant ses peuples : l'autre les reçut en soulageant les siens. En France, Samuel Bernard fit