<158>Ces principes moteurs, ces immortels agents
Que d'eux la nature sut prendre
Pour former la texture et l'accord de nos sens.
Tout disparaît enfin de ce songe bizarre;
Mégère, Tisiphone et le sombre Tartare,
La vérité détruit ces fantômes savants;
Lieux que la vengeance prépare,
Vous êtes vides d'habitants.
Ainsi donc, cher ami, d'avance je m'attends
Que ton esprit un peu profane
Ne prendra pas le ton des mystiques pédants
Dont la rigidité condamne
Les sentiments hardis, des leurs trop différents.
Je ne m'étonne point, d'Argens,
Que ta sagesse aime la vie;
Enfant des arts et d'Uranie,
Bercé par la douceur des chants
Des Grâces et de Polymnie,
Sybaritain heureux, abreuvé d'ambroisie,
Tes destins sont égaux, tes désirs sont contents.
Ainsi, sans crainte et sans envie,
Sans chagrin, noirceur ni tourments,
Ta tranquille philosophie
Trouve dans ses amusements,
Avec ta moitié tant chérie,
Sur le trône des agréments,
Couvert des ailes du génie,
Le paradis des fainéants.+
Pour moi, que le torrent des grands événements
Entraîne en sa course orageuse,
Je suis l'impulsion fâcheuse
De ses rapides mouvements.


+ Entre ce vers et le suivant il s'en trouve deux dans le manuscrit :
     

D'Argens, dans tes sages penchants
Mon amitié te justifie.

Mais ces deux vers sont entre parenthèses, et on lit à côté le mot « rayé, » de la main du Roi.